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avoir passé deux ou trois ans auprès d’une faculté, se répandront dans le corps enseignant, ils y feront hausser le niveau du savoir. Comme dans une société où, par le progrès général, tout le monde s’élève, il faudra plus de mérite pour occuper le même rang, en sorte que tout le monde gagnera en valeur absolue, y compris l’École normale. Alors aussi une amélioration des programmes de l’enseignement secondaire deviendra possible : aussi longtemps que la moitié du corps enseignant n’a reçu d’autre instruction que celle qu’on veut réformer, on tourne dans un cercle vicieux ; un changement des exercices scolaires peut bien se commander d’en haut, mais on devine à quels obstacles les prescriptions viendront se heurter.

Les documens officiels nous disent en quel nombre sont les élèves ; sur leur valeur et sur leur savoir, ils gardent le silence. Mais les confidences des maîtres, et particulièrement de ceux que leurs fonctions préposent aux épreuves du baccalauréat, peuvent suppléer aux lacunes du rapport ministériel. Il n’est pas douteux qu’un déclin dont les commencemens remontent déjà à vingt-cinq ans se fasse sentir dans les études. Nous ne voulons pas nous arrêter longtemps sur un fait qui dépasse notre sujet et qui demanderait un examen à part ; mais outre les causes générales dont nous n’avons pas à parler ici, il y a des causes particulières qui tiennent à l’organisation actuelle de l’enseignement. Autrefois les liens qui maintenaient les études étaient plus forts ; on a détruit, au nom de la liberté, tout ce qui ressemblait à une garantie ou à une surveillance. Le seul nœud qui tienne encore ensemble le système de notre enseignement secondaire, c’est le baccalauréat : pauvre nœud, dont nos professeurs de faculté connaissent seuls toute la faiblesse ! Emporter le diplôme, tel est le point de mire des parens, l’idée fixe des écoliers, la promesse faite par les préparateurs aux familles ; ce qu’ont été les études, s’il y a eu des études, la loi défend aux juges de s’en enquérir. Il est des pays où l’on croit que les examinateurs ne sauraient s’entourer de trop de lumières, chez nous le candidat n’est obligé de fournir que son acte de naissance. Dans toute la France, parmi toutes les facultés des lettres, il peut choisir celle où il juge à propos de tenter la chance de l’épreuve. Cette latitude, que la défiance a fait introduire dans la loi de 1850, nous paraît de trop. Les citoyens ont-ils le droit de choisir le tribunal auquel ils s’adressent ? ou, pour écarter cette idée de la justice, qui a quelque chose de fâcheux, choisissons-nous, pour les affaires d’administration, le préfet qui est le plus à notre convenance ? Ces allées et venues à la recherche du jury le plus indulgent sont un mauvais début dans la vie. Nous voudrions en outre que le candidat se