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élémentaires. Sans doute de telles solutions de continuité ne sont plus à craindre ; mais la mère est et restera la première institutrice de l’enfant ; d’elle il reçoit ses premières et ses plus durables impressions. Aussi est-ce sur ce point qu’il faut s’attendre aux luttes les plus vives, et qu’il importe de déployer autant de fermeté que d’esprit de suite et de prévoyance.


II

Des trois degrés de notre instruction publique, le plus solidement constitué est l’enseignement secondaire : outre la solidité, il a aussi, depuis douze ans, la diversité, puisque, grâce à l’enseignement secondaire spécial, deux voies s’ouvrent à la jeunesse. Sur ce chapitre, les informations les plus nouvelles et les plus précises sont fournies par la statistique que vient de publier le ministère, la troisième depuis le commencement du siècle[1] : la première a paru en 1843, sous le ministère de M. Villemain ; la seconde en 1868, par les soins de M. Duruy.

La loi de 1850 a organisé le régime sous lequel vit l’enseignement secondaire : elle a eu le temps de produire ses effets. Vingt-huit ans se sont écoulés : l’espace est assez long pour qu’on puisse se former une opinion. Comme c’est au nom de la liberté de l’instruction et pour combattre ce qu’on appelait le monopole universitaire que la loi a été portée, nous en examinerons d’abord les résultats à ce point de vue. Il se trouve qu’elle a été plus fatale à l’initiative individuelle que le régime du monopole : l’université n’a pas été sensiblement atteinte, les congrégations ont prospéré au-delà de toute croyance ; mais l’enseignement libre proprement dit, pris entre ces deux puissans concurrens, n’a pas cessé de diminuer. De 1854 à 1865, sur 825 établissemens libres laïques, il en a succombé 168 ; de 1865 à 1876, il en a encore une fois disparu 163. Si la loi continue à agir de la sorte, le pays aura un jour le choix entre deux corporations : l’université et le clergé. Telles ont été les conséquences de la liberté. « Il n’y a rien de plus puissant, écrivait récemment M. de Falloux, pour calmer ou soulever les masses, qu’un mot habile ou maladroit. Il y a des mots qui ouvrent soudainement les portes[2]. » Nous n’avons rien à dire contre ces effets de la concurrence, si elle se fait à armes égales ; mais si les communautés jouissent de privilèges qui rendent la lutte impossible aux particuliers soumis à la loi commune, il est juste que le gouvernement, mieux informé, rétablisse la balance.

  1. Statistique de l’enseignement secondaire, 1 vol. in-4o ; Impr. Nationale.
  2. Correspondant du 25 octobre 1878.