Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/736

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

récompenses offertes, c’est se préparer un échec. La seconde leçon, c’est que pour tenir la main à l’exécution de la loi, il faut des fonctionnaires actifs, énergiques et compétens : M. Guizot avait créé le corps des inspecteurs primaires. Aujourd’hui s’impose la nécessité de ces directeurs départementaux réclamés par l’opinion, qui seront, entre les inspecteurs primaires et le recteur ou le préfet, un intermédiaire direct, spécial et responsable. Quant au choix de ces fonctionnaires, qu’il nous soit permis de transcrire quelques lignes d’une personne qui connaissait bien nos écoles : « Confier les fonctions de l’ordre primaire à des hommes de l’instruction secondaire ne peut être que le résultat d’une méprise ou d’un calcul budgétaire. Quand un homme est à demi usé dans l’enseignement secondaire, on en fait un inspecteur d’académie ou d’arrondissement pour différer sa mise à la retraite. Un chef d’institution qui n’a pas réussi trouve aussi là, un refuge… On doit servir ce qu’on a de mieux, de plus actif, de plus vaillant à l’enseignement populaire, et non lui jeter les restes. »


Ces mots, qui sont de Mme Pape-Carpantier, nous serviront de transition pour passer à l’enseignement des jeunes filles. Jusqu’à présent il n’a guère eu à se louer des gouvernemens qui se sont succédé en France, même des plus libéraux et des plus avancés. Le projet de loi de 1791, dont Talleyrand était rapporteur, disait : « Les filles ne pourront être admises aux écoles primaires que jusqu’à l’âge de huit ans. Après cet âge, l’assemblée nationale invite les pères et mères à ne confier qu’à eux-mêmes l’éducation de leurs filles, et leur rappelle que c’est leur premier devoir. » Même Saint-Just, qui, dans ses Fragmens d’institutions républicaines, déclare que les enfans appartiennent à leur mère jusqu’à cinq ans, si elle les a nourris, et à la république ensuite jusqu’à la mort, partage cette manière de voir. Dans sa république, les enfans mâles sont élevés, depuis cinq ans jusqu’à seize ans, par la patrie. Ils sont nourris en commun et ne vivent que de racines, de fruits, de légumes, de laitage, de pain et d’eau. Depuis seize ans jusqu’à vingt et un, ils entrent dans les arts et choisissent une profession qu’ils exercent chez les laboureurs, dans les manufactures ou sur les navires. Tout est prévu, jusqu’à leur costume, qui est de toile pour toutes les saisons, et qu’ils ne doivent changer contre le costume des arts qu’après avoir traversé, aux yeux du peuple, un fleuve à la nage le jour de la fête de la jeunesse. Mais quand il arrive aux filles, il borne leur éducation aux deux articles suivans : « Les filles sont élevées dans la maison maternelle. — Dans les jours de fête, une vierge ne peut paraître en public, après dix ans, sans sa