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« Je soussigné déclare ne pas vouloir profiter de la liberté qui m’est offerte par M. Barbet de Jouy, je me constitue prisonnier et demande des juges, ma conscience ne me reprochant rien.

Abandonné ici par ceux qui m’y avaient délégué, je crois que mon devoir est de rester et non de fuir ; je tiens à la disposition de M. Barbet de Jouy la clef du tiroir où sont déposés les divers papiers concernant notre intervention au Louvre. Je dépose aussi dans ce tiroir un petit revolver dont j’étais porteur.

Mercredi 24 mai, 2 heures du matin. Jules Héreau, artiste peintre. »

Cette déclaration et la conduite de M. de Jouy envers nous proteste assez contre cette insinuation de M. Du Camp que : les deux délégués restés seuls avec lui pour défendre nos collections nationales auraient été capables de jouer un double jeu et de faire appel « aux incendiaires et aux pillards, » soit en leur ouvrant les portes du Louvre, soit en jetant « quelque billet ou quelque avis aux fédérés qui passaient. »

L’article de M. Darcel et la déposition de M. Barbet de Jouy suffiraient à me laver des accusations de M. Maxime Du Camp. J’ai le devoir, pour ma famille et mes enfants, d’y ajouter cette lettre écrite par le regretté et éminent sculpteur Paul Cabet à Mme Héreau.

« Madame, à la veille du jugement de M. Héreau, j’aurais voulu pouvoir, afin de vous rassurer, vous faire part de vive voix de l’entretien que j’ai eu avec M. Barbet de Jouy, mais mes occupations m’en ont empêché jusqu’à ce jour.

La déposition de M. Barbet de Jouy devant le conseil de guerre sera certainement d’un grand poids, et je ne doute pas que sur son témoignage, M. Héreau ne soit rendu à la liberté, puisqu’il a pendant l’insurrection de la commune aidé à préserver nos richesses artistiques et que beaucoup de mal aurait pu être fait sans sa présence au Louvre.

Soyez assurée, madame, de toute la sympathie des artistes pour votre mari, et quel que soit le verdict du conseil de guerre, M. Héreau conservera l’estime de tous ceux qui le connaissent.

Veuillez agréer, madame, l’hommage de mes sentiments respectueux. — Paul Cabot, 28 avril 1874. »


Vos lecteurs, Monsieur, ont maintenant les moyens de discerner la vérité.

Ces tristes débats peuvent se résumer, ainsi que l’avait fait mon honorable défenseur, Me Albert Liouville, devant le conseil de guerre.

« Pour que le Louvre fût sauvé, il a fallu la rencontre de deux éléments rares en ces temps de révolution, mais qui procédaient du même sentiment — l’amour de l’art, Il a fallu un homme courageux comme M. Barbet de Jouy, bien décidé à mourir à son poste comme un soldat, s’il était nécessaire, il a fallu en outre un homme ou des hommes assez forts de leur conscience pour faire au péril de leur vie ce que peu d’hommes leur enviaient à ce moment : coopérer à sauver nos collections nationales, et en vue de quelle récompense ? Eh bien, cette bonne fortune, le Louvre l’aura eue ; les deux éléments se sont trouvés réunis, la flamme a respecté le musée, aucune salle n’a été souillée par le contact des incendiaires ; pas un seul n’a pénétré dans ce sanctuaire de l’art, et on a pu dire ensuite : « Les différentes collections du Louvre ont reparu dans leur intégralité antérieure