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impossibles. Les Anglais auront certainement raison des Afghans, ils iront à Caboul, c’est vraisemblable ; mais là d’autres complications ne se produiront-elles pas ? La paix que voudra imposer l’Angleterre en gardant ans doute des positions pour sa sûreté ne provoquera-t-elle pas quelque intervention de la Russie ? On pourrait certes prévoir des incidens s’il y avait quelque vérité dans les paroles récemment attribuées au général Kauffmann remettant une épée à un représentant de l’émir envoyé à Taschkend. Il ne serait point impossible, si la Russie s’en mêlait, que la question d’Orient, qui a tant de peine à s’apaiser en Europe, se relevât avec une gravité nouvelle en Asie. Ce n’est point impossible, quoique cependant il ne paraisse y avoir pour le moment aucune tenon particulière de rapports entre la Russie et l’Angleterre. C’est en présence de cette situation que le cabinet de Londres s’est décidé à convoquer le parlement pour le 5 décembre. Il a enlevé ainsi un de ses griefs à l’opposition qui accusait déjà lord Beaconsfield de poursuivre le cours de ses aventures sans consulter les chambres. La discussion pourra être vive ; la politique de lord Beaconsfield sortira vraisemblablement encore victorieuse de cette lutte nouvelle où elle gardera l’avantage des desseins suivis avec une persévérante et énergique résolution.

On n’en a pas fini avec les sinistres et honteux attentats qui depuis quelque temps menacent si souvent la vie des souverains. Après l’empereur d’Allemagne, après le roi d’Espagne, c’est le roi d’Italie qui à son tour vient d’être l’objet d’une odieuse tentative de meurtre. Le roi Humbert, avec la jeune et aimable reine, venait de parcourir une partie de l’Italie du nord et du centre où il a été reçu au milieu des ovations. A Florence même, dans cette gracieuse ville si éprouvée. aujourd’hui par des désastres financiers, il a été accueilli d’une manière touchante. Il entrait récemment à Naples escorté par la foule, lorsqu’il a été assailli dans sa voiture par un assassin furieux. Le roi n’a reçu qu’une légère atteinte. Le président du conseil, M. Cairoli, placé auprès du souverain, a eu une blessure plus sérieuse. Et ce meurtrier aussi, comme tous les autres, ce Passavanti ou Passanante, est un esprit perdu de rêves, de chimères, de prédications internationalistes, un sectaire qui met dans ses déclamations Brutus, Jésus-Christ, Mazaniello, Agésilas Milano, Orsini. Ce qu’il y a de plus grave, c’est qu’au même instant des bombes incendiaires ont éclaté dans. diverses villes, notamment à Florence où elles ont fait des victimes. Ces criminelles tentatives ont fait éclater une fois de plus la popularité de la maison de Savoie. Elles ont mis aussi en relief la personnalité sympathique du président du conseil, M. Cairoli, qui a couvert le roi de son corps ; mais elles créent une situation. difficile qui est déjà évoquée devant le parlement, et c’est peut-être toute la politique de l’Italie qui est en jeu.


CH. DE MAZADE.