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propos d’une réforme, ne se font qu’avec le temps, et c’est la seule manière de faire bien, car le temps ne respecte que ce qui a été fait avec lui ; si on veut aller trop vite, on risque de faire mal… » Ce n’est pas nouveau, cela a même été mieux dit, ce n’est pas moins précieux à retenir. Voilà qui est raisonnablement parler ! Que demande-t-on aux républicains ? On leur demande de s’inspirer de cet esprit, de se souvenir que les affaires ne se font pas avec des turbulences, des prétentions exclusives, des déclamations, des chimères ou des représailles. On leur demande de ne pas oublier que la république, comme tous les gouvernemens, a besoin de paraître sous la figure d’un régime sensé, impartial et sérieux, suffisant à protéger le pays dans sa vie intérieure et à représenter la France dans sa vie extérieure, dans la mêlée des intérêts du monde.

Ce serait à coup sûr moins que jamais le moment de se perdre en vulgaires querelles, de subordonner l’intérêt national à des intérêts ou à des passions de partis, de se désarmer en présence de tout ce qui se passe autour de nous, de l’orient à l’occident, du nord au midi. Tout est vaguement en fermentation depuis que la vieille organisation continentale s’en va, depuis que les peuples, sous l’apparence de cette civilisation dont la dernière exposition a été une représentation somptueuse, semblent être rentrés dans l’ère de fer. L’Europe et le monde sont agités de toute sorte de mouvemens intimes, extérieurs, diplomatiques, militaires, faits pour exciter l’attention vigilante des gouvernemens, même de ceux qui se font de la réserve un devoir et une politique. Assurément la situation que la dernière guerre russe a créée dans toutes les régions de l’Orient, cette situation n’a rien de brillant et de rassurant. Cette guerre, elle a laissé des embarras à tout le monde, à ceux qui en souffrent et qui en paient les frais, à ceux qui en profitent, à ceux qui y ont trouvé une occasion de relever leur crédit, et ce n’est pas sans peine, sans mille tiraillemens, que ce traité de Berlin, par lequel on a cru établir la paix de l’Orient, entre dans la réalité des choses. Avant de devenir une vérité, s’il doit être une vérité définitive, il se heurte à chaque pas contre un obstacle, contre des interprétations et des contradictions nouvelles, et ce qu’il y a de plus clair jusqu’à présent, c’est que la Russie garde ses positions, l’Autriche est en Bosnie, l’Angleterre est à Chypre. Tout le reste est confusion et incertitude, — délimitations toujours fuyantes, organisation des autonomies nouvelles, définitions des rapports de la Roumélie et de la Bulgarie, situation réelle de l’empire ottoman au milieu de toutes les compétitions. C’est un amas de complications, une source évidente de difficultés, même pour ceux qui, engagés au premier rang, s’efforcent de s’assurer les plus grands avantages. La Russie, aux prises avec les embarras de sa prépotence, entraînée souvent par des agens trop zélés, flotte entre