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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre 1878.

La vie publique a ses contrastes et ses diversions étranges. Tandis que nos affaires intérieures suivent leur modeste cours en attendant le scrutin du 5 janvier, tandis que la chambre des députés passe son temps à invalider de vieilles élections ou à expédier le budget, tandis que la majorité du sénat attend une occasion pour interpeller le gouvernement, M. le comte de Chambord vient de prendre encore une fois la parole et de jeter un discours ou une lettre de plus dans nos débats, dans la mêlée de nos partis. M. le comte de Chambord a le mérite de mettre dans son langage comme dans ses actions une loyauté d’esprit qui n’est égalée que par la candeur de son âme. On ne peut se défendre d’un sentiment de respect devant ce représentant de toute une tradition de rois que les considérations politiques ne touchent jamais, qui ne consulte ni les circonstances, ni la raison pratique, ni les intérêts de tous les jours, qui, au contraire, toutes les fois qu’il prend la parole, semble se faire un point d’honneur de s’exiler de plus en plus dans l’histoire, hors de toutes les réalités contemporaines. C’est le caractère de cette nouvelle lettre, de ce nouveau document de l’exil qui répond désormais si peu à tout ce qui existe.

On ne dira pas de l’illustre exilé de Frohsdorf qu’il est un opportuniste et qu’il cherche les succès immédiats, qu’il serait homme à payer Paris d’une messe. Lorsqu’il y a quelques années déjà, — c’est presque un siècle, tant les événemens ont marché ! — lorsqu’il y a quelques années une tentative de restauration monarchique était savamment, laborieusement préparée et semblait près de réussir, soudain, au dernier moment, M. le comte de Chambord intervenait et bouleversait d’un mot toutes les combinaisons ; il confondait ses amis les plus fidèles, qui avaient besoin de quelques mois pour se reconnaître et retrouver