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poursuivre sans repos les bandes des Canaques rebelles, les affamer et les anéantir. En raison de la nature du sol, de la guerre de sauvages qui nous est faite, la pacification sera longue et laborieuse. Le gouvernement l’a compris, et voici les dispositions qu’il a prises :

Le 18 juillet, — c’est-à-dire six jours après que l’insurrection canaque fut connue à Paris, — deux compagnies d’infanterie de marine partaient de Saïgon sur le transport la Rance, — qui ne pouvait en prendre davantage, — pour Nouméa ; elles y arrivaient, le 19 août, après trente-deux jours de navigation. Les 17 et 20 juillet, trois cent quatre-vingts hommes de toutes armes quittaient la France sur la Loire et la Dives pour la même direction. Ces bâtimens devaient en outre apporter à la garnison coloniale, par le seul fait de leur arrivée, le concours de leurs équipages qui s’élèvent à cinq cents hommes. Il faut cent jours de France en Nouvelle-Calédonie ; la Loire et la Dives, selon toute probabilité, auront mouillé leurs ancres en rade de Nouméa le 31 octobre dernier. Mais ce n’est pas tout : le gouvernement a envoyé l’ordre à la Rance, de retour en Cochinchine, de conduire à Nouméa deux nouvelles compagnies d’infanterie de marine. Dès le 16, la Rance appareillait. En résumé, au 31 octobre la garnison de la Nouvelle-Calédonie s’est trouvée portée à trois mille six cent soixante-trois hommes de troupes ; quand tous les renforts en partance seront parvenus à destination, elle sera plus que doublée.

L’entretien de cette petite armée pèsera d’un poids énorme sur le budget de la marine, et de longtemps on ne pourra songer à en alléger le fardeau. Nous sommes même d’avis, en raison des difficultés que nous allons signaler, que l’entretien d’une force considérable sera de plus en plus nécessaire.


II

Au commencement de cette année, la population de la Nouvelle-Calédonie était évaluée à 96,894 habitans. Cette population se divisait ainsi : — indigènes, 70,000 ; — employés des diverses administrations, officiers et militaires des différens corps de troupes, surveillans, employés de l’administration pénitentiaire, 3,836 ; — population civile, 2,752 ; — condamnés à la déportation simple ou dans une enceinte fortifiée, 3,866 ; — forçats et transportés, 5,993 ; — libérés et bannis astreints à la résidence, 1,281. — Total général des Européens, 16,894. — En joignant aux 70,000 Canaques les forçats, les libérés et les déportés, on voit que 6,588 personnes, fonctionnaires, militaires et colons, se trouvaient en présence d’une population, sinon tout à fait hostile, du moins peu bienveillante, de 81,140 individus. On peut juger par cela de la situation critique