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lorsqu’on apprit que les tribus voisines de la Païta, de la Dumbéa et de Saint-Louis, loin de s’insurger contre nous comme on le craignait, faisaient acte de soumission. Bourail, un instant menacé, vit, après le débarquement des troupes à Uaïlu, disparaître les Néo-Calédoniens qui s’étaient montrés menaçans sur les crêtes des montagnes. Par suite de cette soumission presque inespérée et grâce à l’envoi de forces sur les points menacés, l’insurrection, à la date du 1er juillet, se trouvait circonscrite dans les territoires d’Uaraï et de Bouloupari.

Le 3 juillet, quelques instans après que la Vire eut jeté l’ancre en rade de Nouméa, une sinistre nouvelle se répandit dans la ville : on venait d’y apprendre que le commandant militaire, M. le colonel Passebosc, était mort le matin de ce jour, à Ourail, des suites de blessures reçues la veille.

A environ 2 kilomètres de la Foa et sur l’ancienne route d’Ourail à Bouloupari, il se trouve des mamelons boisés connus des Européens sous le nom de Montagnes-Rouges ; la route qui traverse ces dangereux fourrés est favorable aux embuscades : elle ressemble à une allée bordée de jungles impénétrables. Non loin de là se trouvent les villages qui reconnaissent pour chef le rebelle Naïna. Bien que la ligne télégraphique fût déjà rétablie, elle avait été de nouveau coupée dans la nuit. On fit halte pour la réparer et pour assurer la sécurité de l’opération ; le colonel Passebosc envoya en éclaireur un libéré et quelques Canaques qui se trouvaient dans son escorte. Mais les éclaireurs revinrent en disant que des groupes de Canaques étaient en armes au bas de la crête. M. Gally-Passebosc commit l’imprudence d’aller s’assurer par lui-même du fait ; au moment où il se disposait à faire monter son cheval sur un mamelon, deux coups de feu retentirent sur la droite de la route. — Bien touché ! cria le colonel, et il s’affaissa, la cuisse droite et le ventre troués de part en part de deux balles, l’une provenant d’un chassepot volé aux gendarmes assassinés, et l’autre d’un fusil à âme lisse.

M. Gally-Passebosc était un de nos meilleurs officiers, et sa mort laisse dans l’armée coloniale un vide difficile à combler. Il avait échappé à toutes les maladies de nos possessions malsaines, ainsi qu’aux guerres qui, depuis vingt ans, se sont succédé meurtrières et nombreuses. Il aimait les Canaques, leur faisait presque toujours l’aumône, et s’exerçait souvent avec les guerriers en renom des tribus voisines à lancer la sagaie. Sa mort a été, dans les circonstances où elle s’est présentée, un véritable malheur public.

M. le lieutenant-colonel Wendling, appelé par son grade à prendre la direction des opérations, était le 30 juillet à Bouloupari avec de l’infanterie et un peu d’artillerie. Son rôle est tout tracé :