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LA
REVOLTE DES CANAQUES

L’insurrection sanglante qui vient d’éclater en Nouvelle-Calédonie nous crée de graves embarras dont il faut tâcher de sortir sans retard si nous ne voulons perdre les bénéfices d’une installation déjà ancienne. Et que sont ces embarras à côté d’autres dangers dont nous étions menacés si la révolte des Canaques avait été un seul instant victorieuse ? Son triomphe eût causé des malheurs irréparables, puisqu’il aurait eu pour conséquence immédiate de favoriser l’évasion de milliers de forçats dont notre possession du Pacifique est le séjour obligé. Qu’on se figure cette horde de malfaiteurs s’éparpillant sur les deux mondes ! On va voir que l’éventualité de cette épouvantable dispersion a failli se produire : elle a été entrevue par la population affolée de Nouméa, et c’est trop.

Dès que la levée de boucliers des Canaques sera comprimée, — si elle ne l’est pas déjà à cette heure, — nous serons placés entre deux alternatives : laisser s’accomplir le massacre en masse des indigènes, comme l’ont fait les Anglais en Australie, ou entretenir sur une île située à nos antipodes une force militaire considérable et ruineuse pour le budget de la marine. Quand une insurrection se produit en Algérie ou en Cochinchine, on l’étouffé avec plus ou moins de vigueur ou de célérité, et tout est dit. En Nouvelle-Calédonie, il ne peut en être ainsi. Là, il nous faut non-seulement châtier des rebelles difficiles à approcher, mais encore assurer la tranquillité de nos pénitenciers. N’oublions pas les colons libres, honnêtes et de bonne volonté, — car il y en a, — auxquels nous devons aide et protection contre des agressions soudaines et sauvages.

L’insurrection des Canaques est une nouvelle preuve des difficultés que nous aurons à vaincre avant de faire de notre possession