Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/668

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ambassades, les missions oratoires qui les envoyaient à Rome se faire un nom et se désigner au choix du prince ; ils se poussaient aux suprêmes honneurs en traitant les affaires publiques ; ils devenaient préteurs, consuls, gouverneurs de province, présidens de tribunaux, et pouvaient, dire comme Ausone : « Ma férule régente le sceptre des rois. » Dans cette société gallo-romaine, profondément pénétrée de civilisation grecque et latine, deux sentimens remplissaient les cœurs : l’amour du pays gaulois, de la cité natale où s’ébauchaient les réputations, où brillait le premier rayon de gloire, et en même temps une admiration tendre et exaltée pour la ville souveraine, incomparables, centre éclatant de la puissance, foyer de vie et de lumière dont les reflets se projetaient sur le monde entier. « J’aime Bordeaux, disait ce même Ausone, mais mon affection pour Rome est un véritable culte ; Bordeaux : est ma patrie, mais Rome l’emporte sur toutes les patries :

Diligo Burdigalom, Romain colo…
Hæc patria, est ; patries sed Roma supervenit omnes. »


Voilà l’expression vive et sincère de l’ultramontanisme laïque du IVe siècle.

Les institutions représentatives de la Gaule romaine sont-elles tombées d’une chute violente et brusque sous le choc des invasions barbares ? Ont-elles péri sans retour avec la domination impériale ? Leur ruine, à notre avis, n’a été ni si rapide ni si profonde. Elles ont résisté, comme les lois, comme les mœurs, comme la civilisation ; elles se sont affaiblies et modifiées peu à peu sous la pression des nécessités nouvelles : c’est en subissant une série de changemens qu’elles ont disparu ; elles sont mortes en donnant naissance à des coutumes qui les ont remplacées. Aux assemblées régionales de l’époque gallo-romaine succédèrent, dans chaque diocèse, des « conciles » où figuraient les grands du pays et les évêques ; l’auteur de la très savante histoire du Languedoc, dom Vaissette, remarque judicieusement que « ces conciles ou plaids rappellent les assemblées provinciales qu’on tenoit du temps des Romains. » L’usage de ces réunions, souvent mentionné par les historiens, n’a jamais cessé ; l’élément bourgeois, le tiers-ordre y fut admis d’assez bonne heure, et ainsi s’organisèrent les états provinciaux, bien avant la convocation des états-généraux de 1302. Les villes conservèrent le droit d’envoyer au prince des députations politiques ; quant aux curies municipales, leurs attributions, réduites et diminuées, mais non supprimées, n’ont repris de l’importance qu’à l’époque de l’affranchissement général des communes. Pendant