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LES RUINES D’UXMAL

PREMIERE PARTIE


I.

Le 15 octobre 1867, le brick Montezuma, déployant toutes ses voiles à la brise alizée, doublait le cap San-Antonio, pointe extrême de l’île de Cuba, et se dirigeait en droite ligne vers le sud-ouest. Depuis trois jours il avait quitté les parages fréquentés des grandes Antilles. Pas un navire ne se montrait à l’horizon, et sur les eaux bleues de la mer du Mexique le Montezuma seul traçait son sillage profond. Le soleil se couchait dans l’ouest empourpré et ses rayons obliques teintaient de rose la crête des grandes lames que la houle de l’Atlantique chassait par le détroit de Cordova. Assis sur le pont, deux jeunes gens causaient.

— Si mon calcul est exact, et il doit l’être, nous serons après-demain en vue de terre.

— Oui... si le vent tient, si le courant est favorable, et si notre capitaine ne se grise pas abominablement.

— Voilà bien des si... Mais le vent est bon, le baromètre monte, et quant à Pedro, s’il se grise, ce sera avec de l’eau claire, car j’ai les clés de la cambuse. Restent les courans, nos cartes n’en font pas mention.

— Pas plus que de ceux de los Colorados, où nous avons perdu deux jours à lutter contre un jusant qui nous poussait dans la mer du Honduras. Je crois, Fernand, qu’il y a quelque chose de plus menteur qu’une épitaphe, c’est une carte marine des côtes du Yucatan.

— On y vient si rarement.

— On devrait n’y pas venir du tout. Près d’un mois pour franchir