Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/557

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contredites par l’observation et l’expérience elles-mêmes. C’est ce qu’a fait un physiologiste de l’école spiritualiste, M. le docteur Chauffard, avec une vigueur de démonstration, une netteté, une force, parfois un éclat de langage, qui font lire son livre avec autant de plaisir que d’intérêt. Nous ne connaissons pas d’effort plus énergique, plus persévérant, souvent plus heureux, tenté au nom de la science seule, pour la défense d’une doctrine chère à l’auteur, contre les prétentions d’adversaires qui se couvrent de l’autorité des enseignemens de l’expérience et de l’analyse. On peut parfois conclure autrement que le philosophe, et nous aurons quelques réserves à faire au sujet de certaines théories générales contemporaines trop facilement comprises dans sa réfutation. On ne peut se refuser aux démonstrations et aux explications du physiologiste s’enfermant dans l’analyse des problèmes qui se rapportent à la biologie proprement dite. Les livres comme celui de M. Chauffard sont la meilleure défense des principes du spiritualisme, en ce qu’ils maintiennent le débat sur le terrain de la science pure. C’est par une rigoureuse interprétation des vérités scientifiques qu’ils répondent aux prétentions des écoles matérialistes. C’est aussi par une application juste de ces vérités qu’ils corrigent, modifient, transforment la doctrine spiritualiste faussée ou tout au moins compromise par les exagérations de certains de ses partisans. En résumant les principales théories scientifiques qui touchent à cet ordre de questions, nous verrons jusqu’à quel point ces théories se prêtent ou se refusent aux explications des écoles philosophiques opposées.


I

Tous les progrès scientifiques des temps anciens et modernes sont dus à deux méthodes qui ont chacune leurs procédés et leurs instrumens. L’observation pure a pour but la description et la classification des phénomènes. L’expérimentation a pour but la reproduction des phénomènes, qui doit servir soit aux inductions de la science, soit aux applications de l’art. La première ne fait qu’obéir à la nature, tandis que l’autre lui commande, tout en lui obéissant. Ces deux méthodes ne datent point de notre siècle. La méthode d’observation était connue et pratiquée dès l’antiquité ; Démocrite, Hippocrate, Aristote, Galien, pour ne citer que les plus renommés, en ont laissé de nombreux et remarquables exemples. Seulement, n’ayant à leur service ni le télescope, ni le microscope, ni le scalpel, ni aucun des instrumens qui ont si bien aidé les organes naturels de nos savans modernes dans leurs plus hautes contemplations et leurs plus délicates analyses, ils n’ont pu saisir, embrasser,