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faisaient avec la Pamphylie et la Cilicie. Dans les beaux temps de l’antiquité, il devait y avoir aussi tout le long de ce détroit, entre l’île et le continent, un mouvement très actif de passagers, qu’amenaient à Cypre les affaires ou la dévotion. Pour tous ceux qui venaient de l’Asie-Mineure, le plus court était de passer par Tarse et de s’embarquer, pour traverser ce bras de mer, dans quelqu’un des ports qui se creusaient au pied des escarpemens de la Cilicie Trachée.

L’autre système de montagnes est bien autrement complexe et couvre un bien plus vaste espace. Les roches ignées, serpentines et ophitones, dominent dans ses crêtes et ses sommets arrondis, ainsi que sur tout le versant du nord ; ses pentes méridionales se composent de calcaire tertiaire et de bancs de marne. Sous divers noms, Kakiscala, Stavrovouni, Machœrœs, Adelphi, Troodos, il étend ses ramifications sur tout le sud et le sud-ouest de l’île ; c’est surtout dans cette dernière région qu’il forme un groupe vraiment épais et d’une masse imposante autour du plus haut sommet de Cypre, le Troodos, dans lequel on reconnaît, avec toute vraisemblance, l’Olympe des anciens. Le Troodos s’élève, assure-t-on, jusqu’à plus de deux mille mètres, et plusieurs autres cimes voisines ne sont pas loin d’atteindre ce même niveau ; mais aucune d’elles ne paraît avoir encore été mesurée avec une précision rigoureuse[1]. Quoi qu’il en soit, voici comment le voyageur allemand que nous avons déjà cité décrit les spectacles que lui a offerts l’ascension de l’Olympe cypriote et l’impression qu’il en a gardée. C’est un juge compétent ; non-seulement il connaît tout le bassin de la Méditerranée, de la Grèce à l’Espagne et au Maroc, de l’Atlas aux Alpes, mais il a traversé l’Atlantique, il a visité l’Amérique du Nord et, chemin faisant, il a gravi le pic de Ténériffe.

« La vue que j’avais de l’Olympe, dit-il, était une des plus belles dont l’homme puisse jouir sur la terre ; elle était tout à fait originale… De là-haut, on voit l’île tout entière, étendue à ses pieds, comme une perle verte enchâssée dans le bleu des vagues. Tout autour des côtes, en tout sens, on voit la mer monter vers l’horizon, monter doucement vers le ciel, vers sa voûte d’un bleu limpide et pur. Dans la direction du nord-est se dresse, comme un maître et un dominateur, le Taurus, vêtu de son éblouissant manteau de neiges blanches. Depuis la côte cilicienne, il se prolonge et recule, en chaînes qui s’étagent l’une derrière l’autre, jusque vers le Kurdistan lointain. Du côté du sud-est, on distingue les cimes bleuâtres et vaporeuses du Liban. »

  1. Voici, pour quelques-uns de ces points, les hauteurs que donnait, nous ne savons d’après quelle autorité, un journal allemand, l’Ausland (19 août) : Troodos, 2,018 mètres ; Stavrovouni, 1,740 ; Machæræs, 1,442.