Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/485

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des affaires de l’empire. Le défenseur le plus éloquent de la politique d’occupation et même d’annexion a été le comte Hohenwart, le chef du parti fédéraliste dont l’avènement aux affaires serait un signal de réaction. D’un autre côté, à Pestli, le président du conseil hongrois, M. Tisza, a été obligé, lui aussi, de donner sa démission : il est resté provisoirement au pouvoir sur le désir de l’empereur et il n’a pas cessé de soutenir le comte Andrassy ; il a pu néanmoins s’apercevoir ces jours derniers de l’esprit qui anime le parlement hongrois. L’extrême gauche est même allée du premier coup jusqu’à proposer la mise en accusation du cabinet. Sans aller jusque-là, la majorité qui reste fidèle à M. Tisza ne montre pas moins une vive et profonde animadversion contre la politique qui tendrait à l’annexion de la Bosnie, à l’accroissement des Slaves dans l’empire.

On pense ainsi à Pesth, on pense ainsi à Vienne, tandis que la Croatie de son côté réclame à grands cris l’annexion, de sorte que le comte Andrassy se trouve assailli de difficultés de toutes parts. Ni le parlement hongrois ni la chambre des députés autrichienne, dans l’état constitutionnel de l’empire, dans l’organisation du dualisme, n’ont sans doute le droit de s’occuper de ces questions. Les délégations austrohongroises qui sont en ce moment réunies à Pesth ont seules ce droit ; seules elles ont la mission de s’occuper des affaires communes de l’empire, de la politique étrangère, et devant ces délégations le comte Andrassy a plus de chances de retrouver quelque faveur pour les combinaisons de sa diplomatie. Cette phase nouvelle de la question d’Orient avec le supplément de l’occupation de la Bosnie ne devient pas moins une épreuve assez grave pour l’Autriche, et au milieu de ces conflits intérieurs, de ces antagonismes de races, de ces résistances parlementaires, de ces difficultés ministérielles, le comte Andrassy se trouvera peut-être embarrassé pour suivre sa politique.

Tout compte fait, voilà un certain nombre de crises ministérielles produites par les derniers événemens de l’Orient et par le congrès de Berlin. Il y a une crise à Pesth, une crise à Vienne ; il y a eu tout récemment une crise à Athènes, et à Rome même le cabinet vient d’avoir sa crise, sa modification partielle. L’Italie n’avait sans doute aucune raison plausible de se montrer froissée des résultats du congrès de Berlin ; elle ne pouvait apparemment compter revenir de Berlin avec quelque conquête orientale ou quelque extension de frontière en portefeuille. Elle a cependant paru éprouver comme un vague mécompte qu’elle a laissé percer presque naïvement, qui a pris un instant cette forme excentrique d’une agitation pour l’Italia irredenta, — c’est-à-dire pour Trente et Trieste ! Au fond, cette agitation était sans importance, elle n’avait de gravité que parce qu’elle a pu être exagérée à l’extérieur et parce qu’elle a pu être considérée comme le signe de sentimens inavoués, d’une susceptibilité remise en éveil. Toujours est-il que le mi-