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occupation, quelles sont les vues du comte Andrassy, la Turquie n’est pas seule responsable. S’il y a des insurrections dans la Macédoine, des difficultés inextricables dans cette « Roumélie orientale » imaginée par le congrès, si la commission européenne récemment envoyée à Philippopoli pour organiser la nouvelle province autonome rencontre déjà les plus sérieux obstacles, ce n’est point sans doute la faute de la Porte. Ici, il faut bien l’avouer, c’est la Russie qui s’efforce de revenir au traité de San-Stefano et de rendre impossible la combinaison du congrès, qui encourage ou tolère visiblement les résistances des Bulgares du sud des Balkans, les agitations de la Macédoine ; c’est la Russie qui a jusqu’ici tenu à rester en armes dans ces provinces et qui à chaque incident semble menacer de revenir sur Constantinople. Au fond, cette affaire de la Bulgarie du sud des Balkans laissée par le congrès sous l’autorité du sultan et disputée encore par l’influence russe, c’est le vrai nœud de la situation, de ce qu’on pourrait appeler la partie européenne de la question d’Orient.

Comment sortir de là ? Tient-on en réserve un nouveau congrès, quelque révision inattendue du traité de Berlin sous forme d’interprétation ? Est-ce pour la réalisation de cette idée que le comta Schouvalof, appelé à Livadia auprès de l’empereur Alexandre, serait récemment revenu vers l’Occident, à Berlin, à Vienne et à Pesth, avant de revenir à Paris et à Londres ? Le comte Schouvalof est sans doute un esprit éclairé et un habile diplomate ; il a été déjà dans des momens critiques un négociateur utile et conciliant entre le gouvernement russe et les autres puissances ; il peut être employé encore une fois avec succès, ne fût-ce que pour éclairer les cabinets sur la nature de tous ces incidens qui troublent l’Orient, sur la vraie politique du tsar. Franchement cependant à quoi servirait un nouveau congrès ou une conférence qui serait un congrès moins solennel ? Si le traité de Berlin, qui a été fait pour rectifier et corriger le traité de San-Stefano, est inefficace, quelle autorité aura l’œuvre nouvelle qui révisera le traité de Berlin ? S’il s’agissait de constituer une conférence qui serait une sorte de commission executive des puissances, une sorte de syndicat européen avec mission de prendre la tutelle du sultan, d’administrer la liquidation de l’empire ottoman, ce serait toujours l’idée russe qui reparaîtrait ; ce serait une proposition qui s’est déjà fait jour au congrès, qui n’a point été acceptée et qui serait vraisemblablement déclinée aujourd’hui comme elle l’a été il y a quelques mois. Ce qu’il y aurait de plus simple et de plus décisif pour le moment, ce serait de ne pas tant tergiverser, de s’en tenir aux conditions qui ont été convenues, de les exécuter sans détour, sans équivoque, de ne pas avoir l’air de remettre toujours en question ce qui a été fait. C’est à cette politique qu’il en faut venir. Jusque-là il y aura toujours place pour ces commérages peu rassurans dont on parlait récemment, pour des inquiétudes vagues. On en restera