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tables. Ils ont vu chaque jour, à chaque pas, les fautes des uns et des autres suivies d’expiations presque immédiates, la modération et la prudence au contraire presque toujours payées de succès nouveaux. Ils n’ignorent pas qu’une politique d’équité libérale et de conciliation a pu seule grossir cette masse composée d’hommes venus de tous les camps et disposés à accepter la république organisée par une constitution modérée. Ils savent bien, ils doivent être convaincus que désormais toutes les violences qu’on tenterait sur les mœurs, sur les traditions, sur les intérêts du pays tourneraient aussitôt contre le régime nouveau et n’auraient d’autre effet que de tout compromettre, de provoquer d’inévitables réactions. Idées, procédés, tout est en progrès, et le comité de la droite institué pour préparer les élections sénatoriales trace vraiment un portrait un peu coloré de ses adversaires dans le manifeste qu’il vient de se décider à publier. Dans ce manifeste, où il n’y a qu’une chose oubliée, la constitution du pays, le comité conservateur se montre un peu trop dupe de confusions surannées, de frayeurs imaginaires, et déguise un peu trop la simple réalité sous des artifices de polémique. Le comité de la droite n’y va pas d’une plume légère. A l’entendre, tout ce qui n’est pas de l’union conservatrice, tout ce qui se présente aux élections sous le drapeau de la république, veut pour le moins attenter à l’intégrité de la magistrature, détruire la religion par la suppression du budget des cultes, introduire l’indiscipline dans l’armée, exclure la capacité des emplois publics, porter atteinte à la propriété par des impôts arbitraires et vexatoires. En un mot, si les électeurs sénatoriaux votent pour des républicains sans distinction ils sont assurés d’avance de leur affaire ; ils auront « une magistrature sans indépendance, des écoles sans Dieu, des églises sans ministres du culte, une armée sans discipline, l’impôt sur le revenu ! » Voilà un programme complet qui sera réalisé si les électeurs n’y prennent garde, — et c’est probablement pour exécuter ce programme, pour avoir des complices fidèles d’une telle œuvre que les républicains de la haute chambre ont choisi comme candidats pour les trois sièges de sénateurs inamovibles M. le comte de Montalivet, M. Alfred André et le général Gresley. Toute la grâce qu’on pourrait faire à M. de Montalivet et au général Gresley serait apparemment de croire qu’ils seront des complices sans le savoir et sans le vouloir ! Certainement de tels choix accueillis, acceptés parmi les républicains du sénat, devraient être, au contraire, la meilleure preuve d’un changement favorable, d’une tendance à s’aider de tous les hommes qui peuvent honorer un régime et le faire durer.

Il faut parler sérieusement. Le comité de la droite ne ménage pas assez les effets de son éloquence. Si l’on veut dire qu’il y a pour la république, parmi ceux qui prétendent la servir par privilège, des auxiliaires compromettans, qu’il y a des conseils municipaux assez ridicules, toujours prêts à pourchasser de modestes frères des écoles chrétiennes