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disposé du pays, conquis et perdu le pouvoir, en cédant toujours aux mêmes passions, en recommençant toujours les mêmes fautes.

Eh bien ! c’est là aujourd’hui la vraie question, la question décisive qui se débat dans cette session parlementaire récemment ouverte comme dans ces élections prochaines qui, en renouvelant le sénat, vont probablement décider et fixer la prépondérance d’une majorité républicaine dans les deux chambres. Plus que jamais il s’agit pour les républicains de montrer s’ils sont disposés à recommencer l’éternelle histoire des excès de domination, s’ils seront exclusifs et infatués, si en un mot ils resteront un parti et rien qu’un parti. Tant qu’ils n’ont été qu’une opposition militante vivant dans le combat et par le combat, ils ont pu avoir leurs passions et leurs tactiques, leurs chimères réformatrices et leurs violons mots d’ordre. Aujourd’hui tout est changé : ils ont la fortune, ils dominent dans beaucoup de conseils locaux, dans le parlement, dans les commissions législatives ; ils disposent des finances, de l’administration, des ressorts de la puissance publique, ils sont représentés au pouvoir par un ministère que couvrent la considération supérieure et le nom honnête de M. Dufaure ; ils ont des institutions reconnues, librement et légalement acceptées. Ils ont tout, ou ils peuvent tout avoir ! Le moment est venu pour eux d’affermir ce qui a été conquis, de montrer toute la différence qu’il y a entre la politique d’un parti de combat, d’un régime contesté et la politique d’un gouvernement établi. Il s’agit pour les républicains de prouver qu’une organisation compromise par de mauvais souvenirs peut s’adapter aux traditions et aux mœurs d’une vieille société, aux intérêts extérieurs et intérieurs du pays, que dans une situation si nouvelle ils peuvent former de leur propre mouvement cette force conservatrice et libérale sans laquelle il n’y a point de régime sérieux et durable. En un mot, la république a été jusqu’ici trop souvent un parti, une conspiration, une faction ou une secte ; elle doit être désormais, c’est la condition de sa durée, le cadre élargi et régulier de la vie nationale. C’est l’expérience qui se fait, qui va se poursuivre chaque jour et dont les résultats peuvent être aussi considérables que décisifs pour la France. Tout dépend de la politique que l’on suivra, de l’esprit de conduite des républicains.

Qu’on nous entende bien. Ce que nous disons, beaucoup d’autres le pensent et le sentent assurément. Cette nécessité d’une réforme dans les idées, dans les habitudes d’un parti voué autrefois aux agitations, aux entreprises chimériques, appelé aujourd’hui aux devoirs du gouvernement, cette nécessité salutaire n’est pas méconnue de ceux des républicains qui réfléchissent, qui veulent faire de la république un régime durable. Certainement les républicains d’aujourd’hui ne sont plus déjà les républicains du temps passé. Ils ne sont pas insensibles à l’expérience, et ils ont subi, eux aussi, comme tout le monde la redoutable puissance des événemens. Ces sept dernières années leur ont été profi-