Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 novembre 1878.

Tous les partis ont eu jusqu’ici et ont encore un irrésistible et dangereux penchant. Dès que la fortune leur sourit, dès qu’ils ont pour eux les victoires de scrutin, la majorité dans un parlement, ils ne savent plus résister à la fascination du succès et user avec mesure de l’ascendant qu’ils ont conquis ; ils ne savent pas s’élever à la hauteur d’une libérale impartialité. Ils ont les jalousies, les passions ombrageuses de la domination. Ils ne supportent ni l’indépendance, ni même la dissidence chez ceux qui ont la prétention de servir à leur manière, avec leurs idées, un régime légalement consacré. La première condition pour leur plaire est de se soumettre à eux, de les flatter dans leurs instincts, dans leurs préjugés ou dans leur orgueil, de recevoir de leurs mains l’investiture. Hors de leur église point de salut ! Ils voudraient marquer hommes et choses à leur effigie, faire tout dater de leur règne. Ils ont le goût de Tintolérance, et lorsqu’on cherche à les éclairer ou à les arrêter, lorsqu’on leur fait remarquer que toutes les opinions se sont perdues, que tous les gouvernemens ont péri par là, que la vraie politique consiste dans une équité conciliante propre à rallier toutes les bonnes volontés, ils n’en croient rien ; ils répondent que la conciliation est le plus souvent une duperie, que les autres sont des factieux, qu’ils représentent, eux seuls, l’opinion nationale, la France, — qu’ils sont la majorité. Ils ne sont qu’exclusifs, ils restent des partis ! Il y a une autre faiblesse qui n’est pas moins invariable, qui est l’accompagnement de l’esprit exclusif, c’est l’infatuation. Les partis ont tour à tour cette vanité de se croire d’un ordre supérieur, de se figurer qu’ils peuvent tout se permettre sans expier leurs fautes. Ils ont une conûance presque naïve dans leur aptitude à tout entreprendre, à tout réformer, et lorsqu’on leur fait observer sans nulle malveillance que là oij d’autres ont échoué avant eux ils ne réussiront pas, ils répondent d’un air satisfait, ils pensent tout au moins qu’ils seront plus habiles que ceux qui les ont précédés. Ils ne sont qu’infatués ! c’est l’histoire de tous les partis qui ont tour à tour