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LA RELIGION DANS ARISTOPHANE.

ques et par quelques mots de dialogue. Et n’oublions pas ce que tous ces changemens de mesure, de ton, de mélodie, dont l’effet nous échappe aujourd’hui, comportaient de nuances expressives et de délicatesses d’agencement. Enfin le chœur de femmes se retire par une des portes de côté de la scène, tandis que le chœur d’hommes, le principal, celui qui doit assister au débat d’Eschyle et d’Euripide, descend dans l’orchestre. Le luxe des costumes était-il en rapport avec cette richesse de composition chorégraphique et musicale, c’est ce qu’on ne peut affirmer. Un trait semblerait indiquer le contraire, ce qui s’expliquerait par l’appauvrissement général à cette époque. En tout cas, la magnificence n’était nécessaire que pour les prêtres.

Sous ces formes qu’est-ce qu’Aristophane représente ? Faisons d’abord une observation générale : il s’agit d’une imitation dramatique, qui nécessairement procède par concentration et combine avec une grande liberté. Ces fêtes, qui duraient douze ou treize jours, sans compter les nuits, Aristophane en présente l’image en cent cinquante vers : il est évident qu’il choisit les parties qui conviennent le mieux au théâtre, qu’il les rapproche sans aucun souci du temps et les modifie suivant les besoins et les habitudes de la scène comique. Ainsi on entend d’abord retentir le cri mystique d’Iacchus, et aussitôt après, le chœur, pendant qu’il entre, adresse au divin conducteur de la procession sacrée deux chants d’invocation : y a-t-il là un souvenir de cette procession ? Sans doute ; mais voici que vient ensuite la proclamation de l’hiérophante rassemblant la foule des initiés, ce qui était le premier acte de la fête, et plus tard retentissent encore des invocations et des chants qui se rapportent à la marche du cortège. Tout est-il donc mêlé au hasard et confondu ? Le fait est que le poète a disposé son sujet suivant un ordre, mais un ordre artificiel, déterminé par les convenances du théâtre et de sa propre composition. Voici quel est, à mon sens, le dessin général. Les premiers chants du chœur forment une introduction, à laquelle succède une reproduction plus précise de la fête : l’hiérophante réunit les initiés ; la procession se forme et commence ; il y a une station, de même que dans la réalité on s’arrêtait sur la voie sacrée au pont du Céphise, — c’est là qu’avaient lieu ce qu’on appelait les Géphyrismes ; — les initiés se remettent en marche et atteignent le terme de leur voyage. Un examen rapide des principales parties, l’introduction, la proclamation de l’hiérophante, l’imitation des Géphyrismes, montrera clairement quelle est la nature de cette représentation des Éleusinies qu’Aristophane a mise sur la scène.

Ce que j’appelle une introduction a bien en effet ce caractère. C’est déjà, il est vrai, une marche du chœur ; mais comment en se-