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A qui donc s’applique le reproche méprisant de Racine? Je signale ce problème au savant auteur des Contemporains de Molière. Ma question le conduira sans doute à marquer d’une façon plus précise le rôle des différens poètes qu’il a rassemblés dans sa galerie, à les classer, à les grouper, à découvrir ceux qui retournaient vers la turpitude des vieilles écoles et ceux qui au contraire prétendaient épurer encore la scène et se préoccupaient d’un art nouveau.

Un écrivain fort médiocre, mais intéressant à consulter parce qu’il a recueilli la tradition des auteurs comiques immédiatement postérieurs à Molière, Riccoboni, Italien de naissance, Français par le goût et les prédilections littéraires, nous a donné à ce sujet de précieuses indications, a On vit, dit-il, — je résume ses observations éparses dans plusieurs écrits, — on vit se produire alors deux générations très différentes, d’abord les contemporains du poète qui lui avaient survécu, puis un groupe d’hommes tout nouveaux. Les premiers reviennent simplement à la grosse gaîté, à la facétie joyeuse et trop souvent cynique; les derniers, bien loin de là, ont recours à des finesses, à des subtilités, et préparent la comédie du XVIIIe siècle. Or les uns comme les autres négligent cette étude de la nature humaine qui a fait la supériorité de l’auteur du Tartuffe et du Misanthrope. » Évidemment c’est à la période comprise entre la mort de Molière et l’avènement de Regnard que s’appliquent ces indications de Riccoboni. Eh bien ! si l’on suit de près l’histoire de la scène française dans cette période, on y rencontre un écrivain, très inégal sans doute, mais qui a ses heures d’inspiration, et qui, entre les deux écoles dont nous venons parler, eut le bonheur d’attirer l’attention et de mériter l’estime de l’Europe. Rien de plus extraordinaire que la destinée de ce poète. Dans sa jeunesse, il est bafoué par deux des plus grands maîtres de la poésie française; plus tard il devient leur admirateur, leur ami, le gardien de leur renommée, à tel point qu’il semble les représenter dans le domaine appauvri des lettres et que l’Europe le considère quelque temps comme le survivant des grands jours. Ce sont là choses si peu connues que je vais bien étonner le lecteur en prononçant le nom du personnage. Le poète dont il s’agit s’appelle Boursault.

Le recueil de M. Victor Fournel renferme deux comédies de Boursault. Ce sont les plus piquantes à titre de curiosités, puisque ce sont celles qui lui ont valu de si vigoureuses étrivières; il s’en faut de beaucoup que ce soient les meilleures. Je ne reproche pas à M. Victor Fournel de ne pas avoir traité à fond cette curieuse histoire de Boursault. S’il avait voulu donner, au lieu de simples notices, de complètes études sur chacun des poètes qu’il a tirés de