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ce qui n’était pas d’heureux présage. De tous côtés étaient exposées des images du dieu mort, et les femmes imitaient la cérémonie des funérailles en se frappant la tête et la poitrine et en poussant des lamentations. C’est ce souvenir que réveille Aristophane dans la comédie de Lysistrate ; il est curieux de voir par quelle hardiesse ingénieuse de procédés dramatiques, dans un tableau de son invention, il oppose directement l’orateur Démostrate, qui propose au peuple l’expédition, et une femme, qui, sur la terrasse d’une maison voisine de l’assemblée, célèbre bruyamment la fête funèbre :

« …Et ces Adonies fêtées sur les toits que j’ai entendues jadis de l’assemblée ? Le coquin de Démostrate disait d’aller en Sicile : la femme criait en dansant : Hélas ! hélas ! Adonis ! Démostrate conseillait d’enrôler des hoplites de Zacynthe : elle, la femme du toit, plus qu’à moitié ivre, disait : Pleurez Adonis ! Et le misérable s’époumonnait. »

Avant cette peinture comique de Démostrate à la tribune et de sa lutte contre ces étranges interruptions, le personnage d’Aristophane s’écrie : « Les femmes ont-elles assez fait éclater leur impudence, avec leurs tambours et leurs fréquentes sabazies ! » C’est le point de vue constant où se place la comédie, ennemie de toutes ces importations exotiques et les attaquant par le côté sensuel et licencieux. Ce sont les demi-Grecs du nord, de l’Asie ou de l’Égypte qui exagéreront l’éclat extérieur des fêtes ou porteront jusqu’aux dernières limites les fureurs extatiques et superstitieuses. Lorsque Olympias, la mère d’Alexandre, célébrait Dionysos avec ses femmes, on voyait sortir du lierre et des corbeilles mystiques, s’enroulant autour des thyrses et des couronnes, de grands serpens apprivoisés qui terrifiaient les spectateurs.


II.

Les superstitions et les jongleries que rappellent les noms de corybante, de métragyrte, de prêtre ou prêtresse de Sabazius, étaient la pâture naturelle de la comédie. Ce qui peut surprendre davantage, c’est qu’elle ait compris dans son domaine des expressions plus religieuses et plus respectées du sentiment dont elles tiraient leur commune origine. Le bonheur, la guérison des maux, quelquefois du mal physique, surtout du mal moral, l’affranchissement des craintes de l’avenir pendant la vie et après la mort, voilà ce qu’on espérait des initiations aux mystères de Sabazius et de Cybèle. Les portraits connus des orphéotélestes, que traceront bientôt Platon et Théophraste, sont vrais en général de toute cette classe