de ce vin capiteux que la cour lui faisait boire à longs traits. Quoi ! le pauvre échappé de Mussy-l’Évêque était un des auteurs favoris du jeune roi ! Le jeune roi voulait lire toutes les semaines une gazette écrite de sa main !
Boursault s’acquitta lestement de son office à la satisfaction du roi et des courtisans ; mais, hélas ! tout n’est qu’heur et malheur sur cette mer semée d’écueils. Un jour le gazetier ne sut comment remplir sa gazette, le nouvelliste se trouva sans nouvelle. A la ville, à la cour, rien qui méritât d’être conté gaîment et de servir au divertissement du monarque. Boursault, dînant chez le duc de Guise, se plaignait de son indigence, quand le duc s’offrit aussitôt à le tirer d’embarras. Il avait un sujet tout propre à réjouir le roi et la cour. C’était une aventure qui venait de se passer à deux pas de son hôtel, chez une brodeuse en vogue, à qui les capucine du Marais faisaient broder un saint François. Leur sacristain, s’étant rendu chez la brodeuse pour s’informer si l’ouvrage avançait, s’amusa d’abord à voir courir sur le canevas l’aiguille de l’habile ouvrière, et peu à peu, pris de sommeil, laissa tomber sa tête sur le métier. Voilà la barbe du capucin qui se confond avec la barbe de saint François. Précisément, la brodeuse s’occupait du menton de son personnage. Une idée lumineuse lui vient à l’esprit. Quel écheveau de soie vaudrait cette vénérable barbe pour terminer la figure du saint? Elle prend son aiguille la plus fine, et doucement, légèrement, elle y introduit un des fils de cette longue toison blanche qui repose sur le métier. Ensuite les doigts de fée se mettent à l’œuvre, l’aiguille passe et repasse dans les mailles du tissu ; voilà une barbe comme nulle brodeuse n’en a brodée, une barbe qui ferait envie aux merveilleux ateliers des Gobelins. A la fin pourtant le bon religieux se réveille et se sent pris au lacet. O scandale! Se jouer ainsi de la barbe d’un capucin ! Le bonhomme se fâche, la commère riposte, et la querelle prend les allures d’un poème héroï-comique. La joyeuse artiste a déplacé le débat; ce n’est plus entre la brodeuse et le capucin qu’il y a une question à vider, c’est entre le capucin et saint François d’Assise. Lequel cédera, le fondateur de l’ordre ou l’obscur disciple ? Toute la cause est là, car il faut que l’un des deux y laisse sa barbe, il faut que l’un des deux soit rasé.
L’histoire se prêtait aux gentillesses d’une plume gauloise. Boursault, piqué au jeu, joignit ses broderies moqueuses au travail de la fée, et en composa, c’est son fils qui nous le dit, « la plus jolie de toutes ses gazettes. » Le théatin ajoute : « Le roi, qui était jeune, en rit beaucoup et n’y trouva point à redire. La vertueuse reine Marie-Thérèse, qui était la piété même, ne laissa pas d’en rire aussi et n’en fut point scandalisée. Toute la cour à l’envi en apprit les