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chaux. Toutefois d’autres êtres protoplasmatiques paraissent avoir une existence plus réelle; tel est l’ensemble des êtres amiboïdes. Ces êtres sont-ils vraiment amorphes? Rien n’autorise à le penser. Il y a des degrés dans l’acquisition des formes vivantes; toutes ne sont pas fixes et rigoureusement déterminées : il y a des formes changeantes, indécises, mal déterminées dans leur contour extérieur; ce n’en sont pas moins des formes réelles, et marquées d’une certaine spécificité. La matière vivante n’existe pas sans êtres vivans ; et tout être vivant possède sa forme spécifique. Le protoplasme, considéré en lui-même, est une substance idéale ; le mot est de Claude Bernard, il est juste, et il convient de s’y tenir. L’étude de cette substance idéale permet de saisir les liens qui unissent tous les règnes vivans ; c’est là son éminente utilité.

Le protoplasme est-il partout identique à lui-même, dans tous les règnes et dans toutes les espèces vivantes? Claude Bernard incline à cette opinion, et elle se conçoit alors que l’on admet un protoplasme existant à l’état de nudité et n’étant pas partie nécessaire d’un être vivant spécifique. Je doute pourtant qu’il en soit ainsi. Chaque protoplasme, à l’origine de chaque être, ne doit-il pas porter en lui le caractère de l’être spécifique qu’il contient, qu’il crée par une évolution ininterrompue et toujours conforme à l’espèce vivante d’où il sort? Peut-il ne pas y avoir autant de protoplasmes que d’espèces animales ou végétales, et même chaque individu n’a-t-il pas son protoplasme individualisé en quelque sorte? N’en est-il pas ainsi, surtout dans les espèces animales supérieures, où les caractères propres de l’individu s’accusent de plus en plus fortement? Peut-on imaginer qu’un protoplasme identique engendre des espèces animales profondément différentes? La spécificité ne remonte-t-elle pas à l’origine même de l’être, là où le protoplasme apparaît, presque seul visible, et le protoplasme peut-il ne pas en être tout imprégné? Cette spécificité du protoplasme suivant les espèces n’est pas saisissable à nos moyens d’investigation; mais l’ovule fécondé montre-t-il à son apparition les caractères d’espèce tels qu’il doit les produire au cours prochain de son évolution? Qui pourrait distinguer les uns des autres les ovules d’où doivent sortir tels ou tels mammifères? et cependant ces ovules, semblables en apparence, peuvent-ils ne pas être dissemblables au fond? Il en est sans doute de même des protoplasmes, et leur identité est aussi peu probable que leur apparition à l’état nu et en dehors de toute forme spécifique.

Après avoir ramené à un type primitif et unique le protoplasme vert des plantes et le protoplasme incolore qui appartient aux deux règnes, et qui est l’élément primitif et générateur, après avoir considéré comme probable la formation de ce protoplasme par une