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Les administrations paroissiales donnent beaucoup de soins à ce que j’appelais tout à l’heure le côté professionnel de l’éducation des pauvres et à leur apprentissage industriel. Je dois dire cependant que dans les écoles que j’ai visitées les résultats obtenus ne m’ont pas paru tout à fait en proportion avec les efforts. Les garçons sont mis presque exclusivement à l’apprentissage de deux métiers usuels : tailleurs et cordonniers. Peut-être y aurait-il quelque avantage à varier un peu plus les métiers qu’on leur enseigne, car il semble que tous ces tailleurs et tous ces cordonniers doivent se faire plus tard une singulière concurrence dans une profession déjà encombrée où leurs produits assez grossiers auront en outre à lutter avec ceux fabriqués par les machines. À ces deux professions s’ajoute aussi parfois celle de boulanger, et, dans les écoles de district auxquelles sont annexées des terres labourables, celle d’agriculteur. On apprend aussi à quelques-uns d’entre eux à jouer des instrumens à vent dans la pensée de les faire entrer un jour dans la musique militaire. Quant aux filles, leur éducation est plus uniforme encore. On les prépare presque toutes au service domestique, dans lequel elles trouvent, il est vrai, un débouché assuré. Tous ceux qui sont au courant des habitudes de la vie domestique anglaise savent que dans les plus modestes comme dans les plus élégantes maisons le nombre des maids est considérable, et qu’elles remplissent une foule d’emplois pénibles qui sont en France le partage des hommes. Aussi la demande des maids est-elle incessante dans les écoles qui ont la réputation d’être bien dirigées, et moyennant un discernement judicieux de la famille à laquelle on confie ces jeunes filles qui sortent de l’école à seize ans, elles peuvent y trouver une profession modeste, mais sûre.

Une forme originale et tout à fait anglaise de l’éducation professionnelle est celle qui est donnée, à bord du vaisseau-école l’Exmouth, aux enfans qu’à partir de douze ans on prépare, sur leur demande, à entrer dans la marine marchande ou dans la marine de l’état. L’Exmouth, qui a remplacé le Goliath incendié il y a deux ans, est à l’ancre sur la Tamise en face du petit village de Gray. La nature même de l’institution, ainsi que les méthodes qui y sont suivies, en rend la visite extrêmement intéressante. On sait y combiner une obéissance très stricte avec cette part de liberté qu’il est cependant nécessaire de laisser aux enfans. J’ai été frappé de ce petit fait que pendant les repas on ne leur impose pas cet absurde mutisme qui est en usage dans nos collèges et non moins contraire à l’hygiène qu’au bon sens. Mais que le capitaine fasse entendre deux coups de sifflet, immédiatement le silence le plus complet s’établit, et pas une voix ne s’élève d’un bout à l’autre de