postea philosophari, dit le précepte; il s’agit d’abord d’exister, de conquérir l’autorité, le prestige, puis plus tard on verra. En attendant, l’œuvre est intéressante et très personnelle, pleine de flamme et d’émotion, et, disons-le tout de suite pour rassurer les esprits chagrins, parle une langue très claire en même temps et très moderne.
Le premier acte ouvre devant nous la maison des Capulets, où la rencontre a lieu pendant la fête. Je passe sur divers épisodes et j’arrive tout de suite à la fameuse scène de l’insolation, qui me semble un peu bien brusquée et court menée; l’effet, si foudroyant qu’il soit, veut pourtant être préparé. Suivez avec quel art Shakspeare nous y conduit à travers les sinuosités galantes d’un dialogue tout en concetti; attaques et ripostes : vous diriez un collier de sonnets enfilés l’un au bout de l’autre. Aux complimens succède un doux phébus; mièvreries sans doute, mais que tout cela est du temps, et comme vous sentez frissonner dans l’air cet ardent baiser, furtif et hasardeux, qui va se poser tout à l’heure sur la lèvre de la divine enfant; ce baiser, quand Rossi l’enlevait, le cueillait d’un mouvement rapide, effaré, causait dans la salle une certaine émotion, mais ne choquait personne, tant il est motivé par la situation et par la nécessité d’une mise en scène cherchant à se rapprocher du tableau que Shakspeare a voulu peindre. Un baiser d’ailleurs n’avait point alors tant d’importance, et tout cavalier sachant son monde l’offrait dès l’abord en hommage à la dame du logis. Nous lisons dans la Vie du cardinal Wolsey que le comte de Crécy, présentant à sa femme un gentilhomme anglais, celle-ci l’accueillait en ces termes : « Faites comme chez vous et, quoique cet usage ne soit point ici le nôtre, laissez-moi vous embrasser la première et vous enjoindre d’embrasser ensuite à votre tour chacune de ces dames. » Dire ce que le poète a dit, mais le dire autrement, voilà quel devrait être le rôle de la musique dans cette première entrevue, et ce rôle n’est point rempli, la scène dramatiquement laisse à désirer, et la jolie sarabande archaïque sur laquelle elle se joue ne suffit pas pour combler le vide. Il y manque le moment psychologique, ce qui fait que M. Capoul n’ose pas risquer le baiser flamboyant et se contente de poser tendrement ses lèvres sur la main de la jeune princesse. Un chœur en manière de sérénade chanté dans le lointain, a bocca chiusa, sert d’introduction au second acte, et contribue à créer l’atmosphère de poésie et de clair de lune que réclame le duo du jardin. Juliette, encore sous l’excitation de la fête, tout entière à l’ineffable ivresse, trahit son secret en se parlant à elle-même et, quand Roméo l’a surpris, maintient l’aveu sans rien en rétracter. La nuit, la solitude, le sentiment d’un commun péril et, plus que tout, l’irrésistible impulsion de la nature précipitent l’un vers l’autre ces deux jeunes et nobles cœurs inexorablement passionnés; cette fois le musicien grandit au niveau du poème, il y a comme un souffle de