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trop disséminés et paraissent n’avoir eu pour objet que de frapper l’esprit des populations et, en leur montrant l’utilité de ces travaux, de les engager à en entreprendre de semblables pour leur compte. Ces prévisions ne se sont pas réalisées et jusqu’ici c’est l’état seul qui s’est mis l’œuvre. De 1861 à 1876, c’est-à-dire pendant quinze ans, les reboisemens obligatoires n’ont porté que sur 27,974 hectares, ce qui représente une moyenne annuelle de 1,865 hectares. En faisant la part des tâtonnemens du début en en supposant qu’on puisse replanter et reconstituer dans l’avenir 4,000 hectares par an sans être obligé de revenir sur les travaux déjà exécutés, il ne faudrait pas moins de deux cent quatre-vingt-trois ans pour reboiser les l,134,000 hectares de terrains vagues qui, d’après l’exposé des motifs du projet de loi de 1860, réclament cette opération dans vingt-six de nos départemens. Ce dernier chiffre, en admettant qu’il fût exact au moment de la présentation de la loi, — et déjà à cette époque, il était bien au-dessous de la vérité, — est aujourd’hui beaucoup trop faible, car les causes qui ont amené la dénudation des montagnes continuant à agir avec une intensité toujours croissante, l’étendue des terrains à reboiser n’a fait qu’augmenter, et pendant que sur quelques points on s’épuise en efforts pour reconstituer le sol, on le laisse, sans y prendre garde, se dégrader sur un grand nombre d’autres.

Par un inconcevable oubli, qui ne s’explique que par l’insuffisance des études préalables, les auteurs du projet de loi ont omis d’y comprendre la réglementation du pâturage dans les pays de montagnes. Convaincus comme tout le monde que c’est aux abus du parcours, surtout des troupeaux de bêtes à laine, qu’il faut attribuer tout le mal, l’idée ne leur est pas venue de chercher à enrayer celui-ci là où il n’existe pas encore, avant d’y porter remède là où il s’est déjà produit. Laissant les troupeaux vaguer en liberté dans la montagne et continuer leurs méfaits, ils ne les ont exclus que d’une partie des périmètres à reboiser, en fixant à un vingtième de la contenance de ceux-ci l’étendue maxima sur laquelle devront annuellement porter les travaux. Ces ménagemens excessifs ont porté leurs fruits, car, malgré les millions dépensés, la situation est pire aujourd’hui qu’en 1860.

Les pâturages dans les montagnes ne sont l’objet d’aucune réglementation, et le nombre des animaux qu’on peut y envoyer n’est pas limité. Lorsqu’il s’agit de vaches, le nombre se limite de lui-même parce que la quantité de lait diminue quand les animaux ne trouvent plus une alimentation suffisante ; mais il n’en est plus de même pour les moutons dont la laine est le produit principal et qu’il suffit de nourrir tant bien que mal pour en tirer année moyenne le même revenu. Ces animaux sont d’ailleurs beaucoup