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pas plus de deux quarres par arbre ; mais si l’on dépasse cette limite, celui-ci est dit gemmé à mort et ne tarde pas à périr. C’est ce qu’on fait sur les plus qui sont destinés à tomber prochainement dans les exploitations ; les autres sont dits gemmés à vie et peuvent végéter jusqu’à cent ou cent vingt ans. C’est à vingt ans qu’on commence le gemmage des plantations; à cet âge 1 hectare peut produire 350 kilogrammes de résine liquide et 280 kilogrammes de résine coagulée. Les produits résineux de cette région sont évalués à 15 millions de francs; on en exporte en Belgique, en Angleterre et en Allemagne pour environ 6 millions. — Voilà donc, grâce à ces travaux de reboisement; un département tout entier rendu à la culture et une richesse nouvelle créée pour le pays.


V.

Les reboisemens faits dans les montagnes ont pour objet de lutter contre des phénomènes d’un autre ordre que ceux des dunes. Il ne s’agit plus d’arrêter les sables entraînés par les vents, mais d’endiguer des torrens qui, grossis par la fonte des neiges ou les pluies d’orage, emportent tout sur leur passage et couvrent les vallées des débris qu’ils charrient. Dévastées par les abus du pâturage, les Cévennes, les Pyrénées et surtout les Alpes sont à peu près dénudées et ne produisent, partout où le roc n’est pas à nu, qu’un maigre gazon périodiquement tondu par des milliers de moutons qui de la plaine vont passer l’été dans les montagnes. Le sol, que ne protège aucune végétation robuste, que ne retiennent les racines d’aucun arbre, se désagrège rapidement sous l’action des pluies et se laisse affouiller par les eaux qui descendent furieuses dans les vallées en les encombrant de matériaux. Sans revenir ici sur des questions déjà plusieurs fois traitées dans la Revue[1], il nous suffira de rappeler que depuis longtemps le déboisement des pentes est signalé comme la cause principale de ces cataclysmes, et le reboisement comme l’unique moyen de les empêcher. Quelques personnes avaient pensé qu’un simple regazonnement suffirait pour maintenir le sol et pour empêcher les affouillemens, mais cette opinion ne peut plus être soutenue en présence des faits nombreux observés par M. Marchand, garde général des forêts, dans une mission dont il a été chargé en Suisse[2]. Les regazonnemens sont utiles sur les parties supérieures des montagnes, lorsque les pâturages sont détruits, mais non sur les pentes où ils ne peuvent

  1. Voir dans le numéro du 1er février 1859 le Reboisement des montagnes et le Régime des eaux; dans le numéro du 1er juin 1875, l’Étude de météorologie forestière.
  2. Les Torrens des Alpes et le pâturage, par M. Marchand, garde général des forêts. Rapport officiel.