Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ont fait passer dans le domaine des faits acquis à la science des phénomènes qui jusqu’ici étaient restés dans celui des conjectures. Il serait très désirable que des observations semblables pussent être multipliées et étendues à toute la France ; on arriverait ainsi à pouvoir formuler des lois générales dont la connaissance serait très précieuse pour l’agriculture comme pour l’industrie.


IV.

De toute l’exposition de l’administration des forêts, c’est devant les plans en relief des travaux de reboisement des dunes et des montagnes que les hommes spéciaux s’arrêtent de préférence. Ces travaux en effet, qui sont d’une importance capitale, présentent dans l’exécution des difficultés nombreuses dont il est intéressant de savoir comment on a triomphé.

Tout le monde connaît, au moins par ouï dire, la vaste plaine, située à l’extrémité sud-ouest de la France, qui s’étend, en suivant le littoral, depuis l’Adour jusqu’à l’embouchure de la Loire, et dont une partie forme le département des Landes. Cette plaine reçoit les sables que l’Océan dépose sur le rivage, et qui, poussés par le vent d’ouest, s’avancent dans l’intérieur en formant des collines et des vallées. L’aspect de ces collines est désolé ; à pente abrupte du côté des terres, tantôt isolées, tantôt disposées en chaînes entrecoupées de cols, elles ressemblent aux flots solidifiés d’une mer en fureur. La couche sous-jacente est un tuf, composé de sable agglutiné par de l’argile, appelé alios, d’une consistance pierreuse, d’épaisseur variable et absolument imperméable. Les eaux qui s’accumulent dans les bas-fonds, ne trouvant aucun écoulement, restent stagnantes et deviennent une cause d’insalubrité. Le sol, brûlé pendant l’été, noyé pendant l’hiver, paraissait impropre à toute culture, et, jusqu’à ces derniers temps, ne produisait que des fougères, des ajoncs et des bruyères à peine suffisantes pour nourrir quelques maigres troupeaux. Le sable déposé par la mer sur le rivage est composé de molécules si ténues que le moindre vent les déplace et les transporte dans l’intérieur, où elles s’accumulent le long de la côte en formant un bourrelet qu’on appelle la dune; ces molécules, ne présentant aucune consistance, sont bientôt enlevées et poussées en avant où elles s’amoncellent de nouveau à une certaine distance de l’emplacement qu’elles ont abandonné. Le vent, qui en est l’unique moteur, n’agit pas également dans tous les sens et produit dans la forme et dans la marche des dunes des changemens continuels ; tantôt accumulant les sables, tantôt creusant des gorges, il pousse en avant toute cette masse qui enterre sur son passage les champs cultivés, les villages et les forêts. Cette marche est plus