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en forêt, le refroidissement et réchauffement se produisent avec plus de lenteur, la température y est plus égale du jour à la nuit, d’un jour à l’autre, de saison à saison; les chaleurs et les froids subits, s’ils n’ont pas de durée, ne s’y font pas sentir; d’où l’on peut conclure que, si les forêts tendent à abaisser la température générale d’un pays, par contre elles en diminuent les écarts et elles éloignent de la contrée les météores dangereux.

Par cela seul que la température y est plus basse, il doit pleuvoir davantage sur un sol boisé que sur un sol nu, puisque la condensation des vapeurs y est plus abondante. M. Mathieu a constaté en effet que la quantité de pluie qui tombe dans une région boisée est de 6 pour 100 supérieure à celle qui tombe dans une région dénudée ; le couvert de la forêt retient environ un dixième de cette eau ; mais, comme l’évaporation est moins considérable sous bois que hors bois, le sol de la forêt conserve encore son humidité après que les terres labourées sont depuis longtemps desséchées.

Ces résultats sont confirmés par les observations faites par M. Fautrat aux environs de Senlis. Voulant éviter qu’on pût arguer de l’éloignement des stations pour en contester les résultats, cet agent a établi ses postes d’observations très près l’un de l’autre. L’une de ses stations est située dans la forêt d’Halatte, peuplée de bois feuillus, près du village de Fleurines. Afin de connaître exactement la quantité de pluie tombée, il a placé un de ses pluviomètres à 7 mètres au-dessus d’un massif de la forêt, et l’autre en plaine, à la même hauteur, à 200 mètres seulement du premier. Il a constaté que depuis 187 li il est tombé année moyenne 662 millimètres d’eau au-dessus du massif boisé, et seulement 645 millimètres en plaine, ce qui constitue en faveur de la forêt une différence de 17 millimètres. Le psychromètre indique également que le degré de saturation de l’air au-dessus du bois est plus grand qu’en terrain découvert. M. Fautrat ne s’en tint pas là et voulut savoir si les arbres résineux agissaient de la même façon que les bois feuillus ; à cet effet il établit une seconde station près du village du Thiers, et installa l’un des postes dans la forêt d’Ermenonville, au milieu d’un peuplement de plus sylvestres de vingt-cinq ans, et l’autre en terrain découvert, à 300 mètres environ du premier. Comme à la station de Fleurines, des pluviomètres furent placés de façon à pouvoir comparer la quantité d’eau tombée au-dessus du massif à celle que reçoit le sol. L’action de la forêt s’est ici fait sentir avec bien plus d’énergie encore que dans le cas précédent, car la quantité moyenne de pluie tombée au-dessus du massif a été de 722mm, tandis qu’en terrain découvert elle n’a été que de 658mm, soit, en faveur de la forêt, une différence de 64 millimètres.