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ce qui lui revenait des rapports entre les deux quartiers généraux n’était pas de nature à l’édifier. M. de Goltz n’était pas homme à se décontenancer pour si peu; ce qui lui importait, c’était la reconnaissance officielle des annexions et c’est à cette fin qu’il adressait au ministre des affaires étrangères une mise en demeure d’exécution, en se fondant sur les promesses de Saint-Cloud.

La réponse de M. Drouyn de Lhuys est trop importante, pour n’être pas reproduite presque intégralement; elle déchire les voiles, parle haut et ferme ; mais c’est le coup de canon de la déroute, qui ne saurait impressionner un ennemi resté maître des positions et en train de s’y fortifier.

« Il est bien vrai, écrivait M. Drouyn de Lhuys au comte de Goltz, puisque dans votre lettre vous vous référez à vos entretiens avec l’empereur, que Sa Majesté, en interposant ses bons offices pour le rétablissement de la paix, n’hésita pas à admettre que la Prusse, à la suite de ses succès, pouvait prétendre à une extension de territoire comportant de 3 à 4 millions d’habitans. Il ne pouvait d’ailleurs méconnaître que cet agrandissement modifierait gravement l’équilibre des forces. Mais Sa Majesté n’a pas voulu compliquer les difficultés d’une œuvre d’intérêt européen, en traitant prématurément avec la Prusse les questions territoriales qui touchent particulièrement la France. Il lui semblait suffisant de les avoir indiquées, et elle se réservait d’en poursuivre l’examen d’un commun accord avec le cabinet de Berlin, lorsque son rôle de médiateur serait terminé. Toutes les fois que dans mes conversations avec vous j’ai abordé la question des changemens territoriaux qui pourraient avoir lieu au profit de la Prusse, je vous ai exprimé la confiance que le cabinet de Berlin reconnaîtrait l’équité et la convenance d’accorder à l’empire français des compensations de nature à augmenter dans une certaine proportion sa force définitive. Le 23 juillet, j’ai rappelé cette réserve à M. Benedetti dans une dépêche qui a reçu l’approbation de l’empereur. Cette dépêche a été confidentiellement communiquée par notre ambassadeur à M. le comte de Bismarck, qui, admettant l’équité de ce principe, a même échangé avec lui quelques idées concernant les moyens d’en réaliser l’application pratique. Cet entretien, dont M. Benedetti me rend compte dans la lettre du 26 juillet, est antérieur à la signature des préliminaires et de l’armistice ; il devait être repris ultérieurement. En réponse à cette lettre, j’ai adressé à M. Benedetti, sous la date du 29, un télégramme également approuvé par Sa Majesté, dans lequel je précise nos vues et que notre ambassadeur a dû recevoir soit à Nikolsbourg, soit par duplicata à Berlin... »

Cette réponse mettait un terme aux équivoques. Il ne s’agissait plus de savoir si la Prusse était de bonne foi et animée de dispositions