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LES EVOLUTIONS
DU
PROLEME ORIENTAL

II.[1]
LA RUSSIE ORTHODOXE.


I.

Pendant deux siècles encore, depuis la première mission russe à Constantinople, le tsar et le padichah devaient s’observer de loin, échanger de temps en temps des messages amicaux, éviter soigneusement tout cas de rupture violente, et ce n’est pas un des moins curieux spectacles de l’histoire que cette attitude des deux empires fatalement destinés un jour à s’entre-choquer, ayant même de bonne heure la conscience de cette nécessité inéluctable et s’éludant néanmoins de génération en génération, ajournant comme d’un commun et tacite accord l’heure de la rencontre suprême. Les occasions n’ont pas certes manqué durant cette longue période, qui pouvaient faire éclater une hostilité toujours latente, et pour les Turcs par exemple c’était déjà une rude épreuve que d’assister impassibles à la chute des khanats mahométans de Kazan et d’Astrakhan, ainsi qu’aux démêlés incessans du Moskof avec le khan de Crimée, leur coreligionnaire et même leur vassal. Et de leur côté les Russes ont su constamment résister aux sollicitations que leur adressait, à diverses reprises, telle puissance chrétienne, pour

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1877.