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M. L’abbé Bougaud n’aime pas et avec grande raison les journaux qui s’érigent en défenseurs de la religion; il dit qu’ils sont trop violens, qu’ils se laissent aller à des polémiques, excusables parfois, mais qui nuisent à la religion. Il voudrait voir se fonder une revue dogmatique chargée de combattre scientifiquement l’irréligion sans verser dans les personnalités blessantes; il propose même comme exemple la Revue des deux Mondes, et nous donne des louanges que nous ne sommes pas accoutumés à rencontrer dans un livre écrit par un abbé. Ce vœu nous paraît difficile à réaliser, et une pareille revue rencontrerait malaisément le succès.

Si l’auteur du Grand péril de l’église de France n’aime pas les journalistes religieux, il n’aime pas non plus les prédicateurs civils que nous voyons s’agiter aujourd’hui, fonder œuvre sur œuvre et détourner l’attention des catholiques des véritables besoins de l’église. Malheureusement, dans cette partie de son travail il prêche un peu trop pour son saint, et laisse voir qu’il serait de beaucoup préférable de fonder une œuvre pour la création de bourses dans les petits et grands séminaires pour forcer les vocations religieuses à se manifester plus souvent. C’est décidément la question d’argent et le moyen de se procurer des fonds qui préoccupe le plus l’abbé Bougaud, et il ne paraît pas avoir songé que l’abandon de l’ultramontanisme pour donner à notre ancienne église gallicane la prépondérance qu’elle avait autrefois serait peut-être le moyen le plus efficace de rendre à l’église un nombre suffisant de serviteurs. Que M. L’abbé Bougaud y songe, et nous croyons qu’il n’est pas éloigné du gallicanisme; là est le salut des idées religieuses en France, et nous devons espérer qu’un jour notre clergé national entrera définitivement dans cette voie qui lui rendra l’absolue confiance d’un grand nombre d’âmes aujourd’hui dévoyées.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.