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élections partielles et périodiques du sénat avec l’ouverture régulière des sessions parlementaires. Il n’a pas violé la constitution, il l’a interprétée comme ses adversaires eux-mêmes l’interprétaient dans leurs consultations. Il s’est inspiré de l’esprit de la loi, de la situation tout entière, des nécessités du moment, et entre des solutions différentes il a choisi celle qui, sans être exempte d’inconvéniens, lui a paru encore la plus plausible, la mieux faite pour établir une certaine régularité dans le jeu des institutions. Dans tous les cas, quel que soit le jour fixé pour la réunion des conseils municipaux ou du collège sénatorial, ce n’est plus la difficulté, ce n’est pas ce qui changera le résultat et ce qui décidera de l’issue du scrutin. Toutes les controverses plus ou moins vives sur une date, sur un point de légalité constitutionnelle n’ont que peu d’importance ; ce sont des escarmouches avant la bataille. La question préliminaire est résolue ; la vraie et sérieuse question reste tout entière désormais dans les élections elles-mêmes, dans le caractère de la majorité qui triomphera dans la situation politique qui sera créée par le vote du 5 janvier. C’est l’affaire de tout le monde, des partis qui vont se trouver en présence, du gouvernement qui a sa conduite à régler dans cette mêlée, de ceux qui veulent aider sans arrière-pensée à l’affermissement des institutions, et avant tout de la France elle-même qui est la première intéressée à voir la paix et la sécurité sortir de cette urne mystérieuse où sont cachées ses plus prochaines destinées.

L’épreuve va être décisive, cela n’est pas douteux ; elle est attendue partout avec quelque anxiété, comme le signe de ce qui se passe réellement dans l’âme de la France. De ce que produira le scrutin du 5 janvier dépend en grande partie l’avenir de l’ordre nouveau créé, organisé par la constitution de 1875. Évidemment pour que cet avenir se réalise avec profit pour le pays, pour que les institutions nouvelles prospèrent, il n’y a qu’une chance aujourd’hui, c’est que le vote qui se prépare envoie au sénat des hommes sensés, éclairés, sincèrement disposés à maintenir la république, mais en même temps fermement résolus à la pratiquer avec prévoyance, avec modération, en respectant les instincts, les intérêts, les mœurs, les traditions de la France. C’est là, pour ainsi dire, le programme nécessaire des élections prochaines, et il ne peut être efficace que s’il garde jusqu’au bout le caractère le plus sérieux, s’il n’est pas une vaine promesse. Les républicains qui ont l’expérience de la politique sont assurément les premiers à le sentir. Il en est malheureusement parmi eux qui ont une étrange manière de servir leur cause et qui se croient bien habiles en déployant une diplomatie qui ne trompe personne. Ils répriment autant que possible leurs instincts d’agitation ; ils rendent au pays cet hommage de le croire modéré, et ils sentent le besoin de le respecter, tout au moins de ne pas l’effrayer ; mais pour eux, on le sent, la modération est une tactique, la sagesse