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mais à un nouveau conseil administratif spécialement chargé du contrôle des communes rurales et appelé commission de district pour les affaires des paysans[1].

Pour ces modestes tribunaux il n’y a pas encore d’instance d’appel, et il est difficile d’en instituer sans créer une nouvelle cour spéciale, car il serait peu logique de déférer à des tribunaux jugeant selon le droit écrit les arrêts rendus selon le droit coutumier. Aussi avait-on proposé de tirer du sein même des tribunaux de volost le tribunal d’appel réclamé par la commission d’enquête, et cela en composant cette cour d’appel de juges de volost empruntés à divers bailliages. C’est, comme nous le verrons, le système aujourd’hui en vigueur pour les juges de paix, et il serait à craindre que ce procédé de contrôle, déjà souvent défectueux pour la justice de paix, ne fût pour la justice des paysans qu’une vaine et dispendieuse complication. En tout cas, si l’on instituait une double instance pour la justice des paysans, la Russie n’aurait plus seulement, comme aujourd’hui, une double magistrature, deux classes de juges, deux ordres de tribunaux, isolés et indépendans les uns des autres, elle en aurait trois, possédant chacun en propre ses cours d’appel aussi bien que ses tribunaux de première instance et n’ayant de commun que la cour de cassation. Placée entre la justice de paix et la justice des paysans, la magistrature ordinaire présenterait alors l’aspect d’un édifice flanqué de deux ailes d’égale hauteur et d’architecture différente.


V.

Avant d’aborder l’étude de la double série de tribunaux institués par la réforme judiciaire, il nous reste à jeter un coup d’œil sur une autre justice exceptionnelle, qui elle aussi a conservé ses formes corporatives et qui possède en propre non-seulement ses tribunaux de première instance et ses cours d’appel, mais aussi

  1. Ouiezdnoé po Krestianskim dêlam prisoustvié. Ce conseil, présidé par le maréchal de la noblesse du district, est composé d’hommes pour la plupart étrangers à la magistrature, l’ispravnik ou chef de la police locale, le président de la commission permanente du zemstvo et un autre membre de cette assemblée, enfin un juge de paix honoraire désigné par le ministre de la justice. (Voyez la Revue du 15 août 1877.) Il est à remarquer que chacun des membres de ce conseil a le droit de lui déférer les excès de pouvoir des tribunaux de bailliage et que les arrêts des juges de volost peuvent ainsi être cassés sans qu’il se soit produit aucune réclamation de la part des intéressés. Cette mesure de défiance est une précaution contre la fréquente ignorance dos paysans et de leurs juges en matière de compétence.