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des forêts de l’Algérie de prendre toute l’extension qu’elle aura un jour. Le bois n’ayant qu’une faible valeur, eu égard à son volume, ne peut supporter que des frais peu élevés ; dès que ceux-ci atteignent un certain chiffre, on a intérêt à le laisser périr sur pied plutôt qu’à l’exploiter. C’est le cas en Algérie, où dans les dernières années on n’a vendu que 74,000 mètres cubes, quand les forêts pouvaient en fournir cinq fois plus. D’une part, en effet, la population est trop peu dense pour consommer sur place tous les bois de feu, et d’autre part, la construction des routes forestières est subordonnée à celle des grandes voies de communication qui restent à ouvrir. Mais tout fait prévoir qu’avant peu les forêts de l’Algérie sortiront de la période d’attente où elles se trouvent et qu’elles commenceront à donner un revenu appréciable. Jusqu’ici les produits principaux qu’on en a tirés sont le liège et l’écorce à tan. L’étendue des forêts de chêne-liège est de 235,152 hectares, mais une très faible partie seulement en est exploitée. À cause des frais assez élevés que nécessitent les opérations préliminaires du démasselage et du débroussaillement, ces forêts sont ordinairement données à bail pour une période de quatorze ans, à l’expiration de laquelle elles doivent être rendues à l’état en pleine valeur. Les écorces à tan proviennent soit du chêne vert, soit des plus d’Alep ; ces dernières sont très recherchées, car elles donnent au cuir la couleur rouge caractéristique du cuir algérien ; elles se vendent jusqu’à 50 francs le quintal sur la place de Constantine. L’exportation des écorces à tan, en y comprenant, bien entendu, celle des forêts particulières, s’est élevée en 1877 à 20,278,000 kilog. ; celle du liège brut à 4,247,527 kilog., et celle du liège ouvré à 464,046 fr.

Les forêts produisent encore l’alfa, plante vivace de la famille des graminées, dont on fait des ouvrages de sparterie, des étoffes et surtout du papier. La mise en adjudication de ce précieux textile donne dans les trois provinces un revenu annuel de 64,407 francs. Enfin les indigènes sont autorisés à installer dans l’intérieur des massifs des fours pour y distiller les bois secs et gisans et en fabriquer du goudron. En résumé, les forêts de l’Algérie sont en bonne voie et ne tarderont pas à être sur le même pied que celles de la métropole.


V.

Si nous envisageons le continent asiatique dans son ensemble, nous retrouvons encore la loi qui préside à la distribution de la végétation sur le globe. Partout où les vents humides pénètrent dans l’intérieur et y déversent des pluies bienfaisantes, les plantes ligneuses