Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/826

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

activité, ne laisse à l’arbre aucun repos; les feuilles à peine tombées sont immédiatement remplacées par d’autres, et le plus souvent le même individu porte à la fois des fleurs et des fruits. Cette continuité dans la végétation ne laisse pas apparaître, comme dans les arbres de nos contrées, les accroissemens annuels du tissu ligneux : le bois forme une masse homogène, compacte, de coloration variée et le plus souvent susceptible d’un beau poli ; c’est ce qui le rend si précieux pour l’ébénisterie. Beaucoup de ces arbres n’ont pas encore de nom dans la science, mais ils enchantent les regards par la beauté du feuillage, la variété des formes et la prodigieuse hauteur des fûts; ils sont reliés les uns aux autres par des lianes qui, après avoir escaladé les plus hautes branches, redescendent vers le sol pour y reprendre racine. Des oiseaux, des insectes, des reptiles sans nombre peuplent ces solitudes, dernier refuge des tribus indiennes qui fuient la civilisation.

Les forêts des parties basses, fréquemment inondées, ne renferment que des essences de peu de valeur, des palétuviers, des manguiers, des fougères arborescentes, des bambous, etc. ; mais celles des régions montagneuses produisent les bois les plus précieux dont on peut voir des spécimens, non-seulement dans les expositions des colonies françaises, anglaises et hollandaises, mais aussi dans celles que les chambres de commerce du Havre, de Rouen, de Marseille et d’autres ports ont envoyées pour faire connaître les principaux élémens de leur commerce. Le Havre seul importe annuellement 83,488,900 kilogrammes de bois exotiques d’une valeur de 15,584,719 francs. Parmi ces essences précieuses, le Mora excelsa mérite une mention spéciale. Véritable géant végétal, il atteint 60 mètres de hauteur, pousse sur les terrains les plus rebelles à toute autre culture, et produit un bois dur, serré, à fibres entrecroisées, très recherché pour les constructions navales, et qui n’est pas, comme le chêne, exposé à la pourriture sèche. La graine du Mora est comestible, et son écorce, propre à la tannerie, est employée par les Indiens comme remède contre la dyssenterie. Le Green heart ou Warapou est également un des meilleurs bois de charpente qu’on puisse trouver, surtout pour les constructions navales et hydrauliques. Citons encore le Courbaril ou Locust-tree dont le bois très dur, de couleur brune, prenant un beau poli, est excellent pour l’ébénisterie; le Purple heart ou copaifera bracteata, qui atteint de très belles dimensions, dont le bois d’un rouge violacé est extrêmement résistant, mais qui est peut-être plus précieux encore par la résine qu’il distille; le dalbergia nigra ou palissandre; le cedrela odorata dont l’odeur aromatique le préserve des attaques des insectes et qu’on emploie à la confection des