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Il est regrettable que ces réflexions ne se soient pas présentées à l’esprit de nos législateurs quand la question d’une exposition universelle leur a été soumise, et que pas un d’eux n’ait demandé le renvoi à des temps meilleurs d’une solennité faite pour une situation moins troublée. Mais une fois l’exposition décidée et les fonds votés, il était du devoir de tous de chercher à la faire réussir. Il fallait, sans acception de parti, que chacun se mît à l’œuvre, pour montrer au monde que la France était restée elle-même. C’est à ce sentiment patriotique qu’ont obéi tous ces artistes, ces grands industriels qui, ayant leur réputation faite, indifférens à une récompense nouvelle, n’ont pas reculé devant les sacrifices considérables que devait leur imposer leur participation. Aussi n’est-ce pas sans quelque surprise qu’on voit le parti républicain chercher à attribuer tout l’honneur du succès à la forme du gouvernement qui nous régit. Disons-le bien haut, la république n’est pour rien dans l’affaire; elle est aussi innocente du succès de l’exposition de 1878 que l’empire l’a été de celui de l’exposition de 1867. Dans un cas comme dans l’autre, c’est à la France seule qu’en revient tout l’honneur ; j’entends à la France qui ne demande rien à la politique que de la laisser en paix. En 1878 comme en 1867, la moitié au moins des exposans se seraient abstenus s’ils avaient pu supposer que leur concours dût servir à célébrer les mérites du gouvernement existant, et, réduite à n’être qu’une œuvre de parti, chacune de ces deux tentatives eût piteusement avorté.

Il serait téméraire de prédire quels pourront être les résultats pratiques de l’exposition actuelle. A en juger par ceux des expositions précédentes, ils seront médiocres, et il ne faut pas s’en étonner. Lorsqu’on réunit sur un même point les produits du monde entier, ce devrait être avec l’arrière-pensée de les comparer, et de mettre le consommateur à même de savoir où il pourra se les procurer dans les meilleures conditions. Mais avec le régime douanier qui prévaut chez un grand nombre de peuples et qu’on cherche à rétablir chez nous, rien de semblable n’est possible. Nous n’avons plus sous les yeux qu’un spectacle, puisque, malgré la perfection de certains produits étrangers, nos protectionnistes veulent nous obliger à nous en passer et à nous contenter des leurs, quelque médiocres qu’ils soient. Au point de vue scientifique, les résultats ne seront pas beaucoup plus sérieux, car l’agglomération de tant d’objets divers disperse l’attention et rend les études spéciales fort difficiles. Tant que ces concours ne seront que des divertissemens d’oisifs, il n’y a que peu de profit à en tirer, et ils ne perdront ce caractère que lorsqu’on se décidera à faire des expositions spéciales par catégories de produits.