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ni même nous séparer d’elle à l’amiable ; que ceci soit bien entendu ; mais cette question de fidélité à la couronne mise à part, nous reconnaissons hautement qu’il est mauvais d’avoir un seul parlement pour la Grande-Bretagne tout entière. Nous convenons que les tentatives dirigées contre la nationalité irlandaise ont été désastreuses. L’union nous donne la tranquillité dont nous avons besoin ; conservons-la, mais ne souffrons plus que nos affaires domestiques se décident à Londres. »

Ce programme avait le mérite d’être peu compliqué, en sorte que l’on put le résumer séance tenante en une courte formule que les assistans acceptèrent à l’unanimité : « L’assemblée est d’avis que le vrai remède aux maux de l’Irlande consiste à créer un parlement local investi de pleins pouvoirs en ce qui concerne les affaires irlandaises. » À première vue, les nationaux ne réclamaient que la dose de liberté accordée par la Grande-Bretagne à ses colonies lointaines. Le vœu n’avait donc rien de bien déraisonnable en soi. Au fond, c’était la dislocation de l’empire britannique qui se trouvait mise en cause. Il fallait d’ailleurs un nouveau nom pour ce nouveau parti. On l’appela le home rule. Personne n’ignore combien il en a été question depuis huit ans dans les débats parlementaires au-delà de la Manche.

Peut-être convient-il de préciser, afin de montrer la différence entre les home rulers de nos jours et les repealers dont O’Connell était le chef. O’Connell voulait briser l’acte d’union, rendre l’Irlande à elle-même, lui restituer le vote non-seulement de son budget local, mais encore de toutes les dépenses auxquelles doit faire face une nation indépendante, l’armée, la marine, la diplomatie. Il voulait rétablir un état de choses qui avait enfanté des troubles au XVIIIe siècle, qui eût été plus nuisible encore depuis que les catholiques étaient délivrés de toute entrave. O’Connell était un utopiste que l’on eût fort embarrassé peut-être en le prenant au mot. Les questions religieuses étaient tantôt le mobile, tantôt le but de sa politique ; on l’applaudissait ou on le décriait suivant que l’on était partisan du pape ou de la réforme. Les home rulers au contraire avaient des partisans dans toutes les classes de la société, sans distinction de croyances. Non-seulement ils poursuivaient un but mieux défini, en outre ils avaient plus d’expérience, plus de sagesse et de modération que n’en avaient eu leurs pères.

Toutefois il y eut, au début surtout, des résistances contre ce mouvement populaire. Les évêques, que la politique antipapale de lord Palmerston avait effarouchés, se rapprochaient volontiers de M. Gladstone, à qui l’on devait l’abolition de l’église officielle et qui promettait de soutenir un projet d’université catholique. Du côté