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du côté des whigs. L’alliance des catholiques et des libéraux était en quelque sorte de tradition dans l’histoire parlementaire de la Grande-Bretagne. Il y a plus encore : lorsque des patriotes éclairés commencèrent à vouloir fonder un parti vraiment national, les évêques furent les plus ardens à y mettre obstacle. C’était par une union intime avec les whigs qu’ils prétendaient réussir. Toutefois divers événemens les en détachèrent peu à peu. En particulier, l’opposition violente de lord Palmerston à tous les actes de la cour de Rome leur montrait qu’ils pouvaient avoir de ce côté des complices, mais non des associés.

Il n’y a donc pas à s’étonner qu’une ligue à la tête de laquelle figurait le cardinal Cullen en personne se soit formée dès 1864 pour obtenir avant tout l’abolition des privilèges (disestablishment) de l’église protestante. Les vieilles questions d’affranchissement de la terre et de liberté d’éducation passaient au second rang. C’était au protestantisme lui-même que l’on s’attaquait cette fois ; non point comme les fenians, avec une pensée hostile à toute religion, mais dans le dessein d’obtenir que tous les cultes fussent égaux devant la loi. Aussi fenians et orangistes se montrèrent-ils les adversaires de cette nouvelle association. Les whigs anglais étaient trop engagés dans les affaires d’Italie pour l’appuyer. Seule la fraction du parti libéral dont M. John Bright était le chef ne craignit pas de se prononcer en sa faveur. Que fallait-il en effet pour remédier aux maux dont souffrait l’Irlande ? Détruire la loi de primogéniture, qui empêche le morcellement des héritages, réformer les vieilles conventions entre propriétaires et tenanciers, émietter la terre entre les paysans, abolir le culte officiel, en un mot, rendre la terre et la religion libres, double but que les adeptes de l’économie politique avaient inscrit déjà sur leur programme. M. Bright était conséquent avec lui-même en se prononçant pour les nationaux irlandais.

Il est probable que la ligue nationale n’eût jamais réussi s’il ne lui était pas venu d’autre secours. C’était du parlement britannique que dépendait le succès des revendications irlandaises ; or, on y était mal disposé pour l’Irlande, par la faute surtout des fenians dont les stupides menées causaient une irritation profonde en Angleterre. Les nationaux n’y étaient représentés que par quelques membres sans influence. Les griefs de l’Irlande, on s’en moquait presque. On lui en voulait de s’agiter sans cesse, d’être injuste envers l’Angleterre, de n’être jamais contente. On prouvait, par des statistiques bien faites, qu’elle était prospère puisque la surface des terres en culture et le nombre des bêtes à cornes y augmentaient sans cesse. Que voulait-elle de plus ? Que si quelqu’un se levait pour réclamer la suppression de l’église établie, on lui