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septembre 1863, en plein soleil, au vu et au su de quiconque avait intérêt à s’en informer. Bien plus, les résolutions adoptées furent reproduites par toute la presse américaine. Il suffit de les résumer en quelques mots. Le but avoué de l’association est de soustraire la mère patrie à la domination étrangère ; on recommande aux affiliés de s’exercer à la profession des armes pour être prêts à combattre l’Angleterre lorsque le moment en sera venu ; on proclame tout haut que l’on veut se conformer aux lois américaines, et que rien n’est clandestin dans les projets des conjurés. En même temps on revendique le droit des citoyens unis pour cette entreprise commune à se gouverner eux-mêmes ou tout au moins à n’obéir qu’aux ordres d’un comité élu. Le désir de Stephens de s’imposer comme, chef suprême n’était donc pas satisfait. La direction du mouvement lui échappait encore. Comme d’autre part la publicité donnée aux séances de cette convention révélait toute l’affaire au gouvernement anglais, il est à supposer qu’il comprit dès lors l’inanité de ses projets. Du moins, ceux qui ont suivi de près les événemens sont convaincus qu’il ne fit plus rien à partir de cette époque pour faire éclater la révolution que ses complices attendaient de jour en jour.

Depuis ce moment, en effet, les fenians firent plus de bruit que n’ont coutume d’en faire des conspirateurs. Il y avait des adhérons dans tous les pays où la race celtique s’est dispersée ; au Canada surtout, et dans les districts manufacturiers de l’Angleterre. À Londres, à Glasgow, dans tout le Lancashire, il existait des cercles affiliés à la Fraternité républicaine d’Irlande. L’association semblait omnipotente ; les conjurés s’exerçaient au maniement des armes ; ils ne se donnaient plus la peine de dissimuler leurs intentions. Leurs journaux, le Phénix aux États-Unis, l’Irish people à Dublin, prêchaient ouvertement la révolte, dénonçaient les tièdes et les indifférens aussi bien que les adversaires déclarés. La publication de l’Irish people surtout était un acte d’audace que des conspirateurs plus avisés se seraient gardés de commettre. Stephens et ses plus dévoués partisans en étaient les directeurs. Les bureaux de la rédaction étaient le centre de toutes leurs intrigues, leur quartier général. Cette feuille s’imprimait presque sous les yeux de l’autorité qui avait si grand intérêt à pénétrer les mystères du fenianisme. On prétend qu’elle fut surtout un moyen de recueillir des fonds ; de fait, si elle eut peu de succès en Irlande, où les idées modérées prévalaient toujours parmi les classes qui achètent et lisent les journaux, elle se répandit à profusion dans toutes les villes d’Ecosse et d’Angleterre où abondent les ouvriers irlandais. S’étonnera-t-on qu’il y ait eu des traîtres dans une compagnie qui