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« Le trouble ne descend pas du ciel; il est produit par la femme. »

C’est cette même morale rampante et sans élan, cette sagesse pratique et toute séculière que l’on retrouve dans les sermons, sous l’invocation du ciel, il est vrai, mais invariablement corroborée, dans chaque parabole, par des encouragemens très positifs. Nous offre-t-on l’exemple du bon fils et du fidèle serviteur comme ponctuels observateurs de la « voie » ? On n’oublie pas de nous faire remarquer que leur conduite leur a profité. Ainsi se marie à une doctrine religieuse transcendante, mais fort négligée et fort mal connue, un catéchisme moral utilitaire et mesquin. S’il faut respecter ses parens et ses maîtres, nous sommes avertis que c’est pour éviter le danger de glisser de l’irrévérence au crime, lequel est bientôt suivi da supplice. Un vers écrit en l’honneur de l’empereur Kanshin dit :


Les eaux de la vallée qui vont tout à l’heure former l’Océan — ont pendu goutte à goutte aux feuilles des arbres.


Les plus grandes choses, notamment les plus grands maux, peuvent avoir de petits commencemens. Voyez ce fumeur qui jette la cendre enflammée de sa pipe : son compagnon lui dit de prendre garde : « Bah ! répondit-il, ce n’est pas un incendie ! — Mais la natte brûle! — Ce n’est pas un incendie ! — Mais la poutre prend feu! mais le toit est en flammes ! » C’est seulement quand tout le quartier crie « Au feu! » qu’il y veut croire. Eh bien, de même quand votre père ou votre maître vous dit : « Faites cela, » et que vous répondez brusquement : « J’ai autre chose à faire » ou « Que me veut-on? » ce ne sont en apparence que des peccadilles; en réalité ce sont les premiers méfaits du serviteur félon ou du fils parricide, qu’on verra un jour exposé pendant trois fois vingt-quatre heures au bout du pont de Nihonbashi sur une croix en forme de dai.

Voyez au contraire la récompense de la vertu. Soyémon donna jadis l’exemple de la plus admirable piété filiale. Placé un jour entre la volonté de son père qui lui ordonnait de mettre ses chaussons de paille et celle de sa mère qui lui enjoignait de chausser ses sabots de bois, après avoir opéré plusieurs fois ce changement de chaussures au gré du dernier qui parlait, il prit le parti de chausser un pied de chaque sorte. Cette conduite, étant venue aux oreilles de son prince, lui valut de grands éloges et par la suite fut la source de sa fortune.

Empruntons enfin quelques sentences à la collection des proverbes, qui contiennent le résumé de la philosophie populaire. Presque toutes celles que nous avons pu recueillir se distinguent