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revivre toutes les scènes d’autrefois, il l’ouvrit. Aussitôt l’imprudent se sentit défaillir; ses cheveux blanchirent, ses jambes flageolèrent, et la mort vint bientôt le saisir.

La mer, aussi pleine de mystères que féconde en bienfaits, a de tous temps sollicité l’imagination des Japonais : elle est le théâtre d’une grande partie de leurs légendes. Un mikado, ayant marié sa fille à un empereur de Chine, mit dans la corbeille de noces un globe de cristal, où l’on voyait l’image de Bouddha, de quelque côté qu’on le tournât. Le navire qui portait cette merveille fit naufrage; le mikado, désireux de recouvrer son joyau, vint en personne à l’île de Sikok, pour diriger les recherches. Les hommes n’étaient pas seuls alors à s’employer comme plongeurs; les femmes exerçaient la même profession. Le souverain vint à en aimer une, à qui il confia l’objet de ses recherches et qui résolut d’arracher ce trésor à l’abîme, au péril de sa vie, si son royal amant consentait à laisser le trône au fils qu’elle portait dans ses flancs. Une corde attachée à la ceinture, elle s’enfonça sous les vagues, bien loin, bien loin, jusqu’aux demeures mystérieuses, où dans des temples de jaspe et de porphyre était enfermée la précieuse boule de cristal, sous la garde de deux redoutables dragons. Comment, après avoir soustrait le trésor à leur surveillance, l’emporter à leur insu vers la surface ? Elle se rappela que dans ces régions les cadavres inspirent une profonde horreur; alors, s’ouvrant le flanc gauche d’un coup de poignard et y cachant le globe de cristal, elle simula la morte et, tirant sur la corde par laquelle on devait la remonter, elle regagna le séjour des mortels, sans être troublée. Avant de mourir de cette terrible expédition, elle donna le jour à un enfant mâle qui fut plus tard nommé Fusa-saki et devint premier ministre. Un jour qu’il se promenait sur le bord de la mer, il rencontra une vieille femme qui lui apprit qu’elle était l’âme de sa mère. Elle lui expliqua ses droits au trône et s’évanouit. Il fit dire des prières en son honneur dans les temples et fut comblé de prospérités jusqu’à son dernier jour.

Soit qu’elles dénotent une parenté avec les produits de l’imagination européenne, soit qu’elles s’en éloignent absolument, ces traditions offrent de curieux sujets de comparaison. Celle qu’on vient de lire n’a pas, à notre connaissance, d’analogue dans nos mythes. Quelquefois, au contraire, l’analogie est frappante. Un jeune guerrier rencontre sur son chemin un groupe de fées dont la reine (un vampire déguisé) le grise de vin et d’amour. Il se réveille sur le point d’être dévoré par ce démon femelle (ogni); mais il saute sur sa bonne lame et du même bond atteint le vampire et le tue. On trouve dans un récit indien de la collection du Sumadewa une histoire analogue. Un jeune marchand fait route avec quatre pèlerins ;