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plaintif les acteurs japonais conclura avec Sakitsi que ces accens font désirer la mort :


« On a discouru sur tel ou tel sujet; on a parlé d’autre chose encore jusqu’à hier, jusqu’à aujourd’hui.

« Mon existence est aussi éphémère que les vains propos des hommes. »


Cependant, avant d’en finir, Komatsu veut lire la lettre de sa mère apportée par Rioské, qu’elle avait gardée d’abord dans la pensée de la lire dans l’autre monde; mais elle remarque judicieusement que, si elle est à cause de ses crimes plongée dans les ténèbres, elle ne pourra distinguer les caractères. Or Komatsu, aveuglée par les larmes, ne peut poursuivre sa lecture. Sakitsi prend la lettre et continue : « Sachez qu’à l’âge de trois ans vous avez été promise à Simanosuki, fils de Midzuma Ugenda. Ce jeune homme a encouru la disgrâce de son prince, mais celui-ci lui a rendu sa faveur, et l’on se livre à d’activés recherches pour savoir où il se trouve. Sitôt que Simanosuki sera de retour, nous célébrerons votre noce. »

Sakitsi ne laisse pas voir tout d’abord les sentimens que lui inspire cette lecture. « N’êtes-vous pas, dit-il à Komatsu, la fille du seigneur Teidafu, attaché à la maison du seigneur Abosi, et, quand vous aviez cinq ou six ans, ne vous appelait-on pas Osen ? » Tofei survient au moment où la jeune fille répond affirmativement. Il veut empêcher les jeunes gens de se tuer. Mais Sakitsi lui répond qu’un contrat passé entre deux samurai est inviolable; que Komatsu se soumette donc à la volonté paternelle. « Il lui en coûtera moins sans doute quand elle saura que le Simanosuki qu’elle doit épouser c’est moi-même. Tombé en disgrâce pour avoir soutenu contre mon maitre une discussion trop vive, j’ai caché ma condition de soldat, j’ai vécu comme un fils de marchand, et je serais peut-être, sans vous, Komatsu, resté dans cet état, car j’ignorais, jusqu’au moment où j’ai ouvert cette lettre, que la faveur de mon prince m’était rendue. » On devine la joie de la jeune fille, la joie de Tofei, qui, pour comble d’allégresse, rapporte le paquet de 100 rios jeté par Sakitsi et tombé dans son bateau. Les heureux fiancés se décident à partir immédiatement pour Kamakura, où leurs familles les attendent toutes prêtes à les unir. Les derniers vers du drame qui finit dans le théâtre voisin semblent leur apporter en ce moment un souhait de bonheur.


« Que le lierre grimpe le long de votre demeure et qu’il la couvre de son feuillage toujours vert pendant des milliers d’années sans jamais périr! »


Ce récit moderne emprunte un grand charme à la simplicité des