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auprès de la jeune mère, avec laquelle il mène une heureuse vie.

Dans le Taketori monogatari, un vieillard trouve dans un nœud de bambou une petite fille haute de trois pouces qu’il adopte et qu’il élève avec le plus grand soin. Elle devient en grandissant une belle jeune fille entourée d’amoureux. Sa main est demandée par cinq prétendans, à qui elle impose divers travaux qu’aucun d’eux ne peut mener à fin; elle refuse jusqu’à l’anneau d’un empereur, et bientôt après déclare à son protecteur qu’elle est une habitante de la lune, bannie sur la terre pour certaine faute, et que, son temps d’épreuve étant révolu, elle va retourner dans son ancien séjour. Vainement le vieillard se répand en protestations pour la retenir, vainement le mikado fait placer une garde de deux mille hommes devant sa maison et sur son toit; elle est emportée dans un char volant par les messagers de son père céleste. Elle laisse en partant des lettres d’adieu émouvantes à son père adoptif et lui remet un élixir d’immortalité, que l’empereur fait enfouir au sommet d’une montagne, qui depuis lors s’appelle le Fusiyama, la montagne immortelle. Nous sommes là dans le domaine des contes de fées tels qu’on les contait il y a neuf siècles au Japon ; passons dans celui du roman.

Le sujet compliqué du Simiyoshi monogatari n’emprunte rien à la féerie. Un daïmio, déjà père de deux filles légitimes, en a une troisième que sa naissance irrégulière expose à la haine et aux embûches de sa marâtre. Grâce à l’intermédiaire de sa sœur de lait, elle entre en correspondance avec un jeune noble qui s’est épris d’elle sur le simple récit de sa beauté. Mais la préférence que son père lui accorde sur ses autres filles est cause que la marâtre a juré sa perte : elle veut persuader au père qu’on a vu un prêtre sortir de la chambre de sa fille, et trouve un misérable pour jouer le rôle d’un amant découvert. La jeune fille est confondue par la calomnie et condamnée par son père irrité à épouser un homme qu’elle n’a jamais vu. Sa ruine n’est pourtant pas assez complète aux yeux de sa marâtre, qui veut la faire enlever par un méchant vieillard, dont elle n’a pas eu de peine à éveiller les passions. Mais, prévenue à temps, l’héroïne s’enfuit avec sa sœur de lait auprès d’une religieuse élevée avec elles, qui réside à Sumiyoshi, au bord de la mer. Le jeune amoureux tombe dans un profond désespoir en apprenant la fuite de celle qu’il aime; mais le lieu de sa retraite lui est révélé en songe; il se met aussitôt en route, et l’amène, déguisée en paysanne, à Kioto, où il l’épouse. Elle lui donne deux enfans. Le père, mieux informé, est resté inconsolable du départ de sa fille préférée. Mais au bout de sept ans, invité à un repas par un jeune noble, il se trouve chez son gendre et reconnaît dans son hôtesse la fille que longtemps il a cru perdue. La méchanceté de