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tous les traits dominans propres à caractériser et classer une famille humaine. Il est rare qu’en suivant cette méthode d’examen on ne découvre pas, sous la littérature, une philosophie qui résume en elle les dispositions innées et rudimentaires qu’un groupe d’hommes apporte avec lui en naissant à la lumière de l’histoire, et qui constituent précisément la race.


I.

Il ne nous est parvenu aucun monument écrit de l’ancienne littérature japonaise antérieure au viiie siècle de notre ère. C’est alors seulement que furent introduits les caractères chinois et avec eux l’étude des livres classiques et des méthodes de composition en vogue à la cour des Tang. Tout porte à croire néanmoins qu’il existait auparavant des compositions, tant en prose qu’en vers, transmises oralement d’une génération à l’autre, et dont on peut retrouver la trace dans les plus anciennes compilations écrites, telles que le Kodiiki et le Nihongi. Qu’était-ce que ces premiers essais purement indigènes et exempts de tout mélange étranger, où il eût été si curieux de chercher les inspirations originales de la race ? Sans doute des chants de guerre, des récits de combats homériques à la façon de certains chants slaves ; des incantations et des fragmens de liturgie à l’usage des prêtres qui desservaient les temples des Kamis, génies protecteurs de chaque localité. Le peu qui en subsiste a été tellement déformé en passant par la filière des signes idéographiques qu’il est souvent difficile aux philologues les plus exercés de saisir le sens de ces antiques rapsodies, et toujours hasardeux d’en rechercher le caractère dans l’état où elles nous sont livrées.

En dehors de cette époque orale, l’histoire littéraire du Japon peut se diviser en quatre périodes distinctes. La première commence avec l’introduction de l’écriture chinoise et se termine à la fin du ixe siècle : c’est l’âge de la poésie et de la littérature purement héroïques. Le barde partage la vie guerrière des chefs dont il célèbre les exploits ; tout noble porte l’armure ; les mieux doués ont appris à tracer les caractères et à cadencer les phrases, et brillent par leur esprit comme nos trouvères, au milieu des délassemens d’une cour militaire. La seconde période va du xe au xiiie siècle ; on voit alors apparaître les travaux historiques, les annales, et se former la prose classique. La culture intellectuelle est encore confinée dans la classe d’élite qui entoure l’empereur et forme sa cour ; un petit nombre d’écrivains composent pour un petit nombre de lecteurs des ouvrages officiels, d’un style froid et châtié. On