1622 sir Thomas Roe[1], un des vigoureux ambassadeurs britanniques à Constantinople. Roe voulut mettre fin à une situation aussi dégradante et ses collègues du corps diplomatique l’appuyèrent de leur mieux ; mais tous ses efforts se brisèrent contre cette malicieuse inertie dans laquelle les Orientaux étaient passés maîtres. Ici comme ailleurs, dans cette affaire comme en tant d’autres, ils en appelaient à leur ultima ratio, à leur Coran, à leur chéri ; et ici comme ailleurs les puissances finirent par céder, par trouver à l’insolence du Turc la même excuse que Falstaf donnait à sa lâcheté : chez l’un comme chez l’autre c’était une affaire de conscience. Le garde ne se lève pas devant l’ambassadeur qui le paie, le janissaire prend sur lui le pas dans la rue, tout cela uniquement par obéissance à la loi et au prophète, nullement par incivilité, et comment ne pas respecter un sentiment religieux ? Ainsi raisonnait à la lettre encore au siècle dernier un diplomate français des plus distingués et il concluait en ces termes : « Toutes les fois que la nécessité, l’intérêt ou la convenance exigent que l’on forme des liens politiques avec une puissance, il n’y a aucune humiliation à se prêter à une étiquette qui a sa source dans les préceptes de sa loi et dans ses opinions religieuses, auxquelles chez les Ottomans tout autre motif doit céder[2]. » Il se trouva cependant une puissance qui ne voulut jamais céder à ce motif proclamé sacro-saint par la diplomatie occidentale, ni se prêter à une étiquette justifiée peut-être par le Coran, mais certainement humiliante pour l’Évangile. Elle prit cette fière attitude dès ses premiers débuts sur la scène de Constantinople, et il importe de les signaler.
C’était vers la fin du XVe siècle, quarante ans après la prise de Constantinople[3]. Le sultan Bayazid II, ayant appris que les villes d’Azof et de Kaffa, jadis bien florissantes par le commerce que venaient y faire les Russes, périclitaient rapidement depuis que les marchands moscovites avaient cessé d’y paraître, fit des démarches indirectes auprès du grand-duc de Moscou pour apprendre la cause de cette abstention. Ivan III saisit l’occasion pour se mettre en rapport avec le padichah, et lui écrivit (1492) une lettre qui inaugura les relations si fertiles en conséquences entre les deux empires. Dans cette lettre, où il s’intitulait « seul et véritable monarque héréditaire de toutes les Russies et de plusieurs autres contrées du nord et de l’orient, » Ivan énumérait les exactions des pachas