roi leur a fait espérer qu’il s’occuperait de résoudre la question ouvrière par voie législative, et vous avez fait vous-même à l’ouvrier Paul et à ses amis des offres de services pour leur venir en aide contre les libéraux, leurs patrons. L’ouvrier Paul vous demanda d’abord 6,000 thalers, et vous vous êtes écrié : Bagatelle, misère que cela, vous les aurez. Vous jugiez en ce temps que nous pouvions vous être bons à quelque chose, vous aider à détruire les petits états et à vous débarrasser des libéraux. Aujourd’hui encore, si nous consentions à entrer dans vos vues, à voter pour le rachat des chemins de fer ou pour le monopole des tabacs, nous vous semblerions moins dangereux et vous nous verriez d’un œil plus doux. »
M. de Bismarck s’est cru tenu de réfuter point par point les assertions de M. Bebel; l’ouvrier tourneur a dû être fort sensible à l’honneur insigne qu’il lui faisait. M. de Bismarck a déclaré qu’il ne se souvenait plus de ce qu’il avait pu dire jadis à l’ouvrier Paul, mais qu’à coup sûr il n’avait jamais considéré 6,000 thalers comme une bagatelle, une misère, eine wahre Lumperei. Il a affirmé aussi que jamais le sieur Eichler n’avait été chargé par lui de traiter en son nom avec la démocratie sociale, qu’à la vérité on lui avait communiqué quelques rapports de police rédigés par ce personnage, mais que ces rapports concernaient les progressistes et non les socialistes. — « Je me rappelle fort bien Eichler, s’est-il écrié, parce que cet homme m’a réclamé plus tard quelque chose pour des services qu’il ne m’a pas rendus. » Il serait souverainement injuste de reprocher Eichler à M. de Bismarck; c’est une triste nécessité pour les grands hommes de n’être pas toujours difficiles dans le choix des instrumens qu’ils emploient. Quiconque a lu les romans de l’ingénieux conteur qui s’appelle aujourd’hui lord Beaconsfield a fait la connaissance du très honorable Nicolas Rigby, personnage d’une moralité douteuse, qui était le factotum de l’un des premiers pairs d’Angleterre et jouait un grand rôle dans la politique de son temps. Personne ne se fiait à lui, et tout le monde lui faisait des confidences. Il avait l’esprit court, ses expédiens n’étaient pas toujours heureux, et cependant lord Monmouth ne se lassait pas de recourir à ses bons offices. « Il y a dans la plupart des transactions de la vie certaines choses qui doivent être faites et qu’on ne se soucie pas de faire soi-même. C’était toujours la portion de M. Rigby. Il était chargé d’exécuter les vilaines besognes, to de the dirty work. » Les hommes d’état font exécuter les vilaines besognes par des gens qu’ils méprisent, les Rigby s’en acquittent bien ou mal, et quelquefois se font payer grassement pour des services qu’ils n’ont pas rendus.
Quant à Lassalle, M. de Bismarck est convenu franchement des relations qu’il avait entretenues avec ce tribun; mais il a nié qu’il eût jamais négocié avec lui sur quoi que ce fût. Il n’a jamais vu dans le