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peut-être chercheront-ils à se consoler en causant autour d’une table d’auberge ; aucun aubergiste ne consentira à les recevoir ; le législateur a tout prévu, même le cabaret socialiste. C’est toujours une chose grave qu’une loi d’exception ; mais, quand elle s’applique à près de deux millions d’exceptions, le succès en paraît chanceux.

Nous attendrons, pour apprécier le projet de loi présenté par le gouvernement impérial, de connaître les adoucissemens qu’y apportera la commission de vingt et un membres chargée de le revoir et le résultat de la votation finale. Ce qu’on peut affirmer dès ce jour, c’est que ce projet met les libéraux à une cruelle épreuve. Il leur est presque impossible de le rejeter, et il leur est bien dur de le voter ; on leur demande de faire violence à leurs convictions les plus chères, de consommer le plus pénible des sacrifices, il sacrifizio dell’ intelletto. Les libéraux n’ont pas encore réussi à introduire en Allemagne le régime parlementaire, et l’Allemagne en a pris son parti ; mais en revanche, si des bords de la Sprée jusqu’aux rives de l’Isar, la loi d’exception contre les socialistes devait avoir pour effet de restreindre ou de compromettre l’exercice pacifique de la liberté d’association, l’Allemagne ne pourrait s’y résigner ; c’est de toutes les libertés celle qui lui tient le plus au cœur et qu’elle s’entend le mieux à pratiquer. Chez nos voisins de l’est, tout le monde fait partie d’un cercle ou d’une association ; ce n’est pas un luxe, c’est le premier des besoins. Le paradis de l’Allemand, c’est la bière à bon marché et un Verein, qui est pour lui une petite patrie ou une grande famille, un Verein où il est chez lui, un Verein où, les coudes sur la table, il a le droit de tout dire, et de tout entendre. Or un Verein n’a plus de charmes quand la police y prend pied, quand, un texte de loi à la main, elle peut dire : Partout où dix d’entre vous seront rassemblés, je serai au milieu d’eux. L’espérance des libéraux est que la police fera un usage discret de la redoutable omnipotence qu’on se dispose à lui décerner ; mais il est difficile à la police d’être discrète, elle est habituée à considérer l’indiscrétion comme la première des vertus. C’est à ses lumières, à son discernement naturel que sera confié le soin de définir la démocratie sociale, de distinguer les associations et les brochures inoffensives de celles qui tendent à la destruction de l’état et de la société, auf Untergrabung der bestehenden Staats oder Gesellschaftsordnung. Plaise au ciel qu’emportée par un zèle inconsidéré, elle n’englobe pas parmi les destructeurs de l’ordre social les fédéralistes, qui verraient avec déplaisir de nouveaux empiétemens du pouvoir central et le rachat des chemins de fer par le gouvernement impérial, tel fabricant progressiste qui ferait de l’agitation contre le monopole des tabacs, les ultramontains qui ne renonceront jamais à protester contre les lois de mai, peut-être aussi les libres-penseurs, les mécréans, les darwinistes, que certains journaux réactionnaires