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particulières de ses membres et au concours de l’état. C’est d’ailleurs une Société privée qui s’est fondée, soutenue, développée par le zèle et l’initiative de simples particuliers et non pas une institution publique qui relève de l’état et ne puisse subsister sans lui, à la différence de l’Institut de France et des autres grandes académies de l’Europe[1].

En 1820, un de ses plus illustres présidens, Humphry Davy, a cherché à rapprocher la Société du modèle idéal de la Nouvelle Atlantide, en étendant davantage son autorité, son influence et son domaine. Il demanda, mais il ne put obtenir, que le gouvernement confiât à la Société royale la direction de l’observatoire de Greenwich pour l’astronomie et du British Muséum pour les sciences naturelles. Davy appuyait cette demande sur le plan même du collège de Salomon esquissé par Bacon.

En passant de l’Angleterre en Italie, nous trouvons le célèbre Institut de Bologne qui non-seulement, comme la Société de Londres, a été animé de l’esprit de Bacon, mais qui a été bâti et organisé d’après le plan même de la Nouvelle Atlantide. Le fondateur de l’Institut de Bologne est le comte de Marsigli, associé de l’Académie des sciences de Paris. Le comte de Marsigli, qui, à cause de son amour pour la science et des services qu’il lui a rendus, ne doit pas être confondu avec quelques aventuriers européens de la même époque, comme, d’après sa biographie, on serait d’abord tenté de le faire, a consacré à cette fondation la plus grande partie de son immense fortune en y joignant le don de ses magnifiques collections d’histoire naturelle et d’instrumens de physique et d’astronomie. Quel roman que la vie, si agréablement racontée par Fontenelle, de cet homme extraordinaire, ingénieur, général au service de différentes cours, de l’empereur et du pape, astronome, physicien, naturaliste ! Quelles étranges vicissitudes, quelles fortunes et quelles disgrâces, quels événemens romanesques et qui rappellent la vie de Cervantes ou de Regnard. « Il semble, dit Fontenelle, que la fortune imitât un auteur de roman qui aurait ménagé des rencontres imprévues et singulières en faveur de son héros. »

Entre toutes les villes d’Italie, dit encore Fontenelle, Bologne est célèbre par rapport aux sciences et aux arts. Elle a une ancienne université, une académie de sculpture et d’architecture, enfin une académie des sciences qui s’appelle l’académie des inquiets, « nom assez convenable aux philosophes modernes qui, n’étant plus fixés

  1. La Société royale de Londres se compose aujourd’hui de 700 membres, dont chacun paie un droit d’entrée de dix livres sterling et une cotisation annuelle de quatre livres. En outre elle reçoit une somme annuelle de mille livres votée par le parlement, sur la proposition de John Russell. Il faut ajouter les donations particulières qui sont plus nombreuses qu’en France.